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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
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rapidement la mort.
    Les yeux fixés sur l'anévrisme, Ginger se sentit enveloppée d'un sentiment de mystère quasi religieux comme si elle quittait le monde des hommes pour la sphère céleste o˘ le sens de la vie lui serait enfin révélé. Son sentiment de puissance et de transcendance venait de ce qu'elle allait pouvoir affronter la mort-et la vaincre. La mort était tapie dans le corps de sa patiente, elle avait pris la forme de cet anévrisme pulsant, de ce sombre bouton qui attendait d'éclore mais elle avait les capacités requises pour la circonscrire avant qu'il ne f˚t trop tard.
    Agatha Tandy ouvrit un sachet stérile et en sortit une section d'aorte artificielle-petit tube épais se divisant en deux tubes plus minces, les artères iliaques. Le greffon était entièrement tissé en dacron. Ginger le posa au-dessus de la blessure, le tailla à l'aide de minuscules ciseaux et le rendit à l'instrumentiste.
    Agatha le déposa dans un haricot de métal contenant du sang de la patiente et l'y agita pour bien l'imbiber.
    Le greffon tremperait jusqu'à ce qu'il commence à
    coaguler. Une fois placé chez la patiente, Ginger laisserait le sang circuler un instant, le pincerait, laisserait coaguler encore un peu de sang, puis l'ôterait avant la fixation définitive. La fine couche de sang coagulé
    formerait ainsi une paroi imperméable qu'on ne pourrait bientôt plus distinguer de celle d'une véritable artère. Ce qu'il y avait d'étonnant, c'est que le dacron ne se contentait pas de remplacer la section endommagée de l'aorte; il était en réalité bien supérieur à ce que la nature avait conçu. Dans cinq cents ans, quand il ne resterait plus de Viola Fletcher que quelques os usés par le temps, le greffon de dacron serait toujours intact, souple, résistant.
    Agatha épongea le front de Ginger.
    ´ Vous vous sentez comment ? demanda George.
    -Bien.
    -Tendue ?
    - Pas vraiment, mentit-elle.
    -C'est un vrai plaisir que de vous voir à l'oeuvre, docteur, dit George.
    -Je suis d'accord avec vous, fit l'une des infir-mieres.
    - Moi aussi, dit une autre.
    - Merci, fit Ginger, surprise et enchantée à la fois.
    -Vous avez une gr‚ce certaine, une légèreté dans le mouvement, une sensibilité dans l'oeil et la main qui, je me dois de le dire, ne sont pas très répandues dans notre profession. ª
    Ginger savait qu'il ne formulait jamais un compliment qui ne f˚t pas sincère. Mais de la part d'un maî-

    tre aussi réservé, cela confinait à la flatterie. George Hannaby était fier d'elle ! Les larmes lui seraient venues aux yeux si elle s'était trouvée en dehors de la salle d'opération mais ici il lui fallait totalement maîtriser ses sentiments. Cependant, l'intensité de sa réaction à ses paroles lui fit comprendre à quel point il avait pu jouer le rôle de figure paternelle, et elle tira presque autant de satisfaction de son compliment que s'il était venu de son véritable père, Jacob Weiss en personne.
    Ginger se sentait plus détendue. Tout ne pouvait qu'aller pour le mieux désormais.
    Elle contrôla méthodiquement l'écoulement du sang dans l'aorte, exposant et pinçant successivement les vaisseaux secondaires, bloquant les vaisseaux les plus petits à l'aide de boucles de tubes de plastique extrêmement souples, posant des clamps sur les plus grosses artères, dont les artères iliaques et l'aorte proprement dite. En un peu moins d'une heure, elle arrêta tout flux sanguin vers les jambes de la patiente et l'anévrisme cessa de battre comme un coeur.
    Avec un petit scalpel, elle fendit l'anévrisme, lequel se vida de son sang. L'aorte se dégonfla. Elle l'incisa tout le long de la paroi antérieure. A ce moment précis, la patiente était sans aorte, plus dépendante que jamais de son chirurgien. Il était impossible de reculer. A partir de cette seconde, la procédure opératoire devait être conduite avec le plus grand soin, mais aussi avec la plus extrême vivacité.
    Le silence s'était abattu sur l'équipe. La bande magnétique s'était arrêtée et personne ne se serait permis de la changer. Le temps se mesurait aux grognements et aux sifflements du respirateur ainsi qu'aux bips sonores de l'ECG.
    Ginger enleva le greffon de dacron du récipient de métal. Le sang avait coagulé exactement comme elle le désirait. Elle cousit la partie supérieure au tronc de l'aorte avec un fil extrêmement fin. quand la partie haute du greffon fut bien en place, elle le laissa s'imprégner une

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