La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
gauche, une infirmière se chargerait de la désinfection. Deux autres infirmières l'anesthésiste et son assistante, attendaient également le début de l'opération.
George Hannaby se tenait de l'autre côté de la table.
Il dégageait une aura de calme, de force et de compétence particulièrement rassurante.
Ginger tendit la main.
Agatha y plaça un scalpel.
La lumière joua avec le tranchant effilé. La main posée sur le trait dessiné sur le torse de la patiente, Ginger prit une profonde inspiration.
Le magnétophone de George était installé dans un coin de la salle et la musique de Bach s'échappait déjà
des haut-parleurs.
Elle se souvint de l'ophtalmoscope, des gants noirs...
Ces incidents avaient été effrayants, certes, mais ils n'avaient pas réussi à détruire sa confiance en ellemême. Elle se sentait parfaitement bien depuis sa dernière crise: solide, bien éveillée, pleine d'énergie.
Aurait-elle ressenti la moindre fatigue, le plus petit signe de confusion qu'elle aurait annulé l'intervention.
Par ailleurs, elle n'avait pas acquis sa formation et travaillé sept jours par semaine pendant des années pour remettre en cause son avenir du fait de deux épisodes d'hystérie dus à la tension psychologique. Tout se déroulerait très bien.
La pendule murale indiquait sept heures quarante-deux. Il était temps de s'y mettre.
Elle pratiqua la première incision. Gr‚ce aux pinces hémostatiques, aux clamps et à une adresse qui la surprenait toujours, elle alla plus profondément, taillant dans la peau, la graisse et le muscle jusqu'à atteindre le ventre de la patiente. L'incision fut bientôt assez large pour ses mains et celles de son assistant, George Hannaby, au cas o˘ celui-ci aurait à intervenir. Les infirmières se rapprochèrent de la table, se saisirent des poignées sculptées des rétracteurs et tirèrent doucement pour écarter les lèvres de la plaie.
Agatha Tandy prit un tampon et essuya délicatement la sueur du front de Ginger en prenant soin de ne pas toucher les verres grossissants de ses lunettes.
George sourit derrière son masque. Il ne suait pas.
D'ailleurs, il suait rarement.
Ginger ôta les clamps et Agatha demanda de nouvelles compresses à une infirmière.
Entre les mouvements des concertos de Bach et à
la fin de la bande, avant qu'elle soit retournée, on n'entendait que les exhalations sifflantes et les inhalations grondantes du respirateur. En effet, Viola Fletcher ne pouvait respirer par ses propres moyens, ses muscles étant paralysés par un médicament relaxant dérivé du curare. Bien qu'entièrement mécaniques ces bruits avaient quelque chose d'envo˚tant qui empêchait Ginger de vaincre son appréhension.
Les autres fois, lorsque c'était George qui opérait on parlait davantage. Le chirurgien échangeait des plaisanteries avec les infirmières et son assistant, se servant de ce léger badinage pour atténuer la tension sans toutefois diminuer la concentration sur la t‚che vitale qu'ils avaient à accomplir. Ginger n'était tout simplement pas capable d'une telle performance, qui lui semblait l'équivalent de jouer au basket-ball m‚cher du chewing-gum et résoudre un difficile problème de mathématiques en même temps.
Une fois terminée l'incursion dans l'abdomen, elle palpa le côlon et le trouva sain. Gr‚ce à des tampons de gaze fournis par Agatha, elle plaça les intestins dans les griffes d'un rétracteur qu'elle tendit à l'infirmière.
Une fois dégagés, ils révélaient parfaitement l'aorte.
Issue du thorax, l'aorte pénétrait dans le dia-phragme, parallèlement à la colonne vertébrale. Au niveau des lombaires, elle se partageait en deux artères iliaques, lesquelles formaient les artères fémorales des jambes.
´ Le voilà, dit Ginger. Exactement comme sur les radios. ª Comme pour confirmer ses dires, elle se tourna vers les radios affichées sur un écran au pied de la table d'opération. Ún superbe anévrisme sacci-forme, juste au-dessus de la selle aortique. ª
Agatha lui épongea le front.
L'anévrisme, altération de la couche résistante de la paroi artérielle, avait permis à l'aorte d'enfler démesurément et de former un petit sac empli de sang qui battait comme un second coeur. Cet état entraînait une déglutition pénible, des difficultés respiratoires, un souffle court, des quintes de toux très douloureuses et des douleurs dans la poitrine. La rupture de l'anévrisme provoquerait très
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