Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christophe Verneuil
Vom Netzwerk:
nouvelle fois de sang.
    Pendant toutes ces phases de l'opération, l'infirmière n'avait pas eu besoin de tamponner le front de Ginger. Elle ne suait plus-et elle espérait que George l'avait remarqué.

    Sans que l'on e˚t besoin de lui dire que la musique était de nouveau nécessaire, une infirmière remit en marche le magnétophone.
    Des heures de travail attendaient encore Ginger, mais elle ne manifestait pas la moindre lassitude.
    Méthodiquement, elle replia les champs et découvrit les cuisses de la patiente. Agatha se fit aider par une infirmière pour préparer le nouveau plateau d'instruments. Elle était prête à passer à Ginger tout ce qui lui serait indispensable à la pratique des deux incisions, une à chaque jambe de la patiente, juste sous l'aine. Ginger pinça des vaisseaux avant de dégager les artères fémorales. Comme elle l'avait fait auparavant pour l'aorte, elle utilisa de petits tubes élastiques et toutes sortes de clamps pour couper le passage du sang. Puis elle ouvrit les artères à l'endroit o˘ les deux pattes du greffon viendraient s'attacher. Une ou deux fois, elle se surprit à fredonner joyeusement en même temps que la musique, et à voir l'aisance avec laquelle elle travaillait, on aurait pu croire qu'elle avait été chirurgien dans une vie antérieure et qu'elle venait de se réincarner parmi l'élite de la fraternité du caducée, prédestinée pour ce travail.
    Mais elle aurait d˚ se souvenir de son père et de ses aphorismes, des parcelles de sagesse qu'il avait amassées et qu'il lui avait transmises en douceur et avec patience, lors des rares occasions o˘ elle s'était comportée de manière discutable ou avait moins bien réussi à l'école. Le temps n'attend personne, Dieu aide ceux qui s'aident eux-mêmes; Un sou économisé est un sou gagné; Le ressentiment ne blesse que ceux qui l'éprouvent; Ne juge pas pour ne pas être jugée... Il en connaissait ainsi des centaines, mais de ces dictons, il y en avait un qu'il préférait à tous, et dont Jacob lui avait expliqué le sens: La roche Tarpéienne n'est pas loin du Capitole...
    Elle aurait d˚ garder cette maxime à l'esprit. L'opération se déroulait si bien, elle était tellement satis-faite de son travail, si fière de réussir aussi impeccablement son premier grand ´ l‚cher ª qu'elle oublia le risque de chute.
    Revenant à l'abdomen, elle ôta les clamps de la partie inférieure du greffon de dacron, puis glissa les deux pattes sous la peau de l'aine jusqu'aux incisions pratiquées dans les artères fémorales. Elle cousit les deux extrémités, supprima les clamps pour rétablir tout le réseau vasculaire et vit avec délice l'aorte réparée battre au rythme du coeur. Elle peaufina son travail pendant une vingtaine de minutes, puis observa encore un peu le passage du sang. Il n'y avait pas le moindre signe d'hémorragie.
    Enfin, elle dit: Íl est temps de refermer.
    - Du beau boulot ª, fit George.
    Ginger était heureuse de porter un masque pour dissimuler le sourire de satisfaction qui lui barrait le visage d'une oreille à l'autre.
    Elle referma les incisions des jambes de la patiente.
    Elle reprit les intestins à l'infirmière qui les tenait depuis le début de l'opération, les remit bien en place dans la cavité abdominale et y jeta un dernier coup d'oeil pour déceler une éventuelle anomalie. Le reste fut facile: replacer la graisse et les muscles refermer le tout, jusqu'à ce que l'incision originelle fut suturée au catgut.
    L'assistante de l'anesthésiste dévoila la tête de Viola Fletcher.
    L'anesthésiste retira les bandes posées sur ses yeux et coupa l'anesthésie.
    Une infirmière arrêta Bach au beau milieu d'un concerto.
    Ginger regarda le visage de Mme Fletcher, p‚le sans être vraiment fatigué. Elle avait toujours le masque, mais seul lui parvenait un mélange à base d'oxygène.
    Les infirmières reculèrent et ôtèrent leurs gants.
    La patiente remua faiblement les paupières et gémit.
    ´ Viola ? dit Ginger. Viola, vous m'entendez ? ª
    Elle n'ouvrit pas les yeux mais, bien qu'elle f˚t plus endormie qu'éveillée, elle remua les lèvres et dit d'une voix p‚teuse: Óui, docteur... ª
    Ginger reçut les félicitations de toute l'équipe et sortit de la salle en compagnie de George. Ils enlevèrent leurs gants, leurs masques, leurs bonnets. Une terrible fatigue s'abattit soudain sur elle. Son cou et ses épaules lui faisaient mal, son dos était douloureux. Ses jambes

Weitere Kostenlose Bücher