La fuite du temps

fille
longer la vitrine, à l'extérieur.
     
    Jean-Louis tourna
la tête et regarda.
     
    — Ben oui, c'est
elle.
     
    — Mais elle
pleure, lui fit remarquer la jeune femme, intriguée.
     
    — On le dirait.
     
    — Va la chercher.
Ramène-la boire quelque chose avec nous autres, lui ordonna-t-elle.
     
    Après un bref
instant d'hésitation, il se leva et se précipita à l'extérieur. Marthe le vit
échanger quelques mots avec sa soeur qui commença par faire quelques signes de
dénégation avant de se décider finalement à le suivre.
     
    — Allô, Carole.
Viens donc t'asseoir avec nous deux minutes, lui dit Marthe en lui faisant une
place sur la banquette, à ses côtés. Voudrais-tu une liqueur? Les yeux gonflés,
Carole accepta l'invitation et se glissa près d'elle.
     
    — Je veux pas
être indiscrète, reprit Marthe Paradis, mais ça a pas l'air d'aller bien fort.
Est-ce que je me trompe? Carole se contenta de hocher la tête.
     
    — Si j'étais toi,
j'irais aux toilettes me passer le visage à l'eau froide, lui suggéra Marthe,
pleine de sollicitude. Ça te ferait du bien.
     
    Carole se rendit
compte soudain que quelques clients du restaurant la dévisageaient avec
curiosité. Elle se leva et se dirigea vers les toilettes de l'établissement.
     
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    CHÈRE LAURETTE —
Je pense que ta soeur a besoin de parler à quelqu'un, dit la monitrice à
Jean-Louis.
     
    — On le dirait,
reconnut ce dernier. Je sais pas ce qui lui arrive.
     
    — Ce serait
peut-être plus facile pour elle si elle pouvait me parler seule, tu penses pas?
— Ça se peut.
     
    — Qu'est-ce que
tu dirais si on soupait ensemble un autre soir? Jean-Louis sembla tout à coup
réaliser qu'elle lui demandait de s'esquiver pour laisser la place à sa jeune
soeur.
     
    — C'est peut-être
une bonne idée, admit-il sans enthousiasme.
     
    — Ça te dérange
pas trop? s'enquit Marthe, soucieuse de ne pas le froisser.
     
    — Pantoute. J'ai
le temps d'aller souper chez nous. On se verra à la banque tout à l'heure.
     
    Là-dessus, il se
leva, paya sa consommation à la caisse et sortit du restaurant au moment même
où sa soeur quittait les toilettes. Cette dernière revint vers la table encore
occupée par l'amie de son frère.
     
    — Jean-Louis est
déjà parti? demanda-t-elle.
     
    — Il tenait à
aller souper chez vous, mentit Marthe.
     
    Assis-toi. Moi,
j'ai tout mon temps. Je reste trop loin pour avoir le temps d'aller manger à la
maison le jeudi et le vendredi soir quand je dois revenir à la banque pour sept
heures moins quart.
     
    Un silence un peu
emprunté tomba sur les deux jeunes femmes. A la vérité, elles ne se
connaissaient pratiquement pas. Elles s'étaient parlé aux noces et avaient
sympathisé, mais rien de plus. Marthe avait près de dix ans de plus que Carole
et faisait plutôt figure de soeur aînée.
     
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    — Veux-tu bien me
dire ce que t'avais à pleurer comme une Madeleine? finit-elle par demander à
voix basse à la soeur de Jean-Louis.
     
    — Je viens de
perdre ma job, dit Carole d'une petite voix.
     
    — Qu'est-ce que
tu faisais comme travail? — Secrétaire.
     
    — Et c'est ça qui
te met tant à l'envers? Voyons donc!
     
    Tu vas te trouver
facilement de l'ouvrage. Il y a pas de quoi pleurer, voulut la réconforter
Marthe. J'ai pensé en te voyant que c'était une peine d'amour que t'avais.
     
    — Il y a ça
aussi, avoua Carole d'une voix hésitante.
     
    Il était évident
qu'elle mourait d'envie de se confier à quelqu'un.
     
    — Bon. Une
chicane avec ton chum, c'est pas la fin du monde, l'encouragea Marthe. Ça
arrive à toutes les filles.
     
    Depuis combien de
temps est-ce que tu sors avec lui? — Presque un an.
     
    — Qu'est-ce qui
est arrivé? — Il veut plus me voir pantoute.
     
    — Il te l'a dit?
demanda Marthe.
     
    — Oui.
     
    — Et tu l'aimes
encore? — Non. Je l'haïs, ne put s'empêcher de dire Carole avec rage. C'est un
écoeurant.
     
    — Dans ce cas-là,
tu serais peut-être aussi bien de l'oublier, lui conseilla Marthe. Il y a des
centaines de gars à Montréal qui seraient contents de sortir avec toi. Pourquoi
tu t'occuperais encore de lui? Trouve-toi un autre gars qui va t'apprécier.
     
    — C'est pas aussi
simple que ça, murmura Carole en se remettant à pleurer à chaudes larmes.
     
    Marthe lui tendit
une serviette en papier pour qu'elle essuie ses larmes et jeta un coup d'oeil
autour d'elle pour
    311
    vérifier si les
clients qui