La fuite du temps
sortit de l'urgence de l'hôpital en compagnie de
Laurette et de Jean-Louis, elle constata que la température était
singulièrement plus fraîche qu'au début de la soirée. Le vent s'était levé et
poussait à l'horizontale une petite pluie froide très désagréable.
Moins de cinq
minutes plus tard, Jean-Louis se retrouva assis sur la banquette arrière de la
Chevrolet bleue, aux côtés de Marthe qui avait indiqué au chauffeur qu'elle
demeurait nie Saint-Denis, près de Rachel.
Lorsque la
voiture arriva à proximité de la demeure de la monitrice, ce fut Laurette qui
indiqua à son mari où s'arrêter exactement. Après l'avoir remerciée, les Morin
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rentrèrent à la
maison et Jean-Louis se mit immédiatement au lit, chouchouté par sa mère.
— Il ferait ben
mieux de lâcher cette job de fou là, déclara Laurette en revenant rejoindre son
mari devant le téléviseur quelques minutes plus tard. Il risque de se faire
tuer.
— Calme tes
nerfs, lui conseilla son mari, agacé par cette sortie. Il y a pas plus de
danger là qu'ailleurs. À part ça, à son âge, t'as pas besoin de le couver. Il
sait ce qu'il a à faire.
— Ça, c'est toi
qui le dis, répliqua sa femme sur un ton catégorique.
— En tout cas,
j'ai trouvé pas mal étrange que tu saches exactement où demeurait cette
fille-là, lui fit remarquer Gérard, soupçonneux. Comment ça se fait que tu sais
exactement dans quelle maison elle reste? — Bâtard, Gérard, réveille-toi!
explosa Laurette. Tu sais aussi ben que moi que c'est là que Carole vit. Je te
l'ai dit quand elle est partie. Si, au lieu de te sauver, tu nous avais donné
un coup de main à la déménager, t'aurais reconnu la maison.
Le visage du père
de famille se ferma immédiatement en entendant le prénom de sa fille. Il ne lui
avait toujours pas pardonné la honte qu'elle avait apportée sur sa famille. De
fait, Laurette lui avait peut-être dit que Carole allait vivre chez Marthe
Paradis, mais il s'était empressé de l'oublier, comme il cherchait à oublier
l'existence même de sa fille.
Sur ces mots, sa
femme quitta la pièce. Elle téléphona à la plupart des membres de la famille
pour leur raconter ce qui venait d'arriver à Jean-Louis.
— Est-ce qu'on
peut passer le voir? demanda Richard, qui venait de rentrer chez lui.
— Il vient de se
coucher. Je lui ai fait prendre des pilules qui vont le faire dormir, lui expliqua
sa mère.
4*5
Le lendemain
avant-midi, Gilles, Denise et Richard téléphonèrent tôt pour prendre des
nouvelles de leur frère.
Comme leur mère
se faisait rassurante, ils ne jugèrent pas opportun de venir déranger sa
routine bien connue du samedi, d'autant plus que les deux premiers avaient
projeté d'aller dans le Nord.
Pour sa part, la
mère de famille se retrouva ce jour-là devant un choix déchirant. Devait-elle
abandonner Jean-
Louis seul à la
maison pour aller rendre visite à Carole, comme elle le faisait chaque samedi
après-midi? Lequel de ses enfants avait le plus besoin d'elle? Après le départ
de Gérard pour aller travailler au garage de Rosaire, elle remit de l'ordre
dans l'appartement et cuisina le reste de l'avant-midi. Jean-Louis s'était
réveillé tôt. Comme il se plaignait d'une horrible migraine, elle avait insisté
pour qu'il demeure au lit après avoir avalé deux des pilules prescrites par le
médecin, la veille. Il avait fini par se rendormir.
Pendant son
dîner, Laurette décida finalement de demeurer auprès de son fils pour le
soigner en cas de besoin. Ce dernier avait fait sa toilette avant de manger
légèrement et il s'était empressé de retraiter dans sa chambre après le repas.
Un peu avant deux
heures, on sonna à la porte. Laurette eut alors la surprise de découvrir Marthe
Paradis sur le pas de sa porte.
— Mon Dieu!
s'exclama-t-elle après l'avoir priée d'entrer. Il est rien arrivé à Carole, au
moins? — Mais non, madame Morin, la réconforta immédiatement la jeune femme. Je
me doutais bien que vous viendriez pas nous voir cet après-midi après ce qui
est arrivé à votre garçon hier soir. Ça fait que je me suis dit que ce serait
peut-être pas une mauvaise idée de venir voir s'il allait bien aujourd'hui. En
même temps, je vais pouvoir
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rassurer Carole
en lui rapportant des bonnes nouvelles.
J'espère que je
vous dérange pas trop.
— Pantoute.
Enlève ton manteau et viens t'asseoir. Je vais
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