La fuite du temps
serait
donnée tout de suite à des étrangers et ce serait de l'histoire ancienne.
— Bonyeu, Gérard,
on dirait que t'as pas de coeur!
s'écria sa femme,
les larmes aux yeux. C'est notre petite-
fille, cette
enfant-là!
Ce soir-là, une
foule de visiteurs avait envahi l'Hôpital de la Miséricorde. Les religieuses
semblaient être moins strictes dans l'application des règlements et sur le
respect de l'horaire. À leur arrivée sur les lieux, Laurette et Gérard
apprirent que Richard et sa femme étaient passés voir Carole à la fin de
l'après-midi en compagnie de Jean-Louis et de Marthe. Gilles, invité à souper
chez sa belle-mère, était le seul Morin à ne pas avoir rendu visite à sa soeur.
Lorsque Denise,
Pierre et Laurette quittèrent la chambre pour aller admirer, encore une fois,
le bébé à la pouponnière, Gérard demeura seul aux côtés de sa fille cadette. Il
y eut d'abord un silence embarrassé entre le père et la fille avant que le
premier ne se décide à prendre la parole.
— Quand est-ce
que tu sors de l'hôpital? lui demanda-
t-il.
— Après-demain,
p'pa.
— Si ça te tente,
tu peux revenir vivre à la maison avec nous autres, lui proposa-t-il. Richard
est capable de
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transporter tes
affaires et on peut remettre la télévision dans la cuisine.
— Merci, p'pa,
mais je pense que je vais continuer à rester avec Marthe. On s'entend ben et je
suis plus proche de ma job.
— Comme tu veux,
répondit Gérard, apparemment soulagé qu'elle ait refusé sa proposition. En tout
cas, la porte de la maison est ouverte. Viens quand ça te tentera, ajouta-t-il.
— Merci, répéta
Carole.
Il régnait un malaise
évident entre le père et la fille depuis qu'il l'avait chassée de la maison.
Seul le temps serait peut-être en mesure de le faire disparaître.
A leur retour à
la maison, Gérard révéla à sa femme qu'il avait proposé à leur fille de revenir
s'installer dans sa chambre et qu'elle avait refusé.
— En tout cas, je
lui ai dit qu'elle pouvait revenir quand elle voudrait, conclut-il.
— Il fallait s'y
attendre, dit Laurette. Ça faisait longtemps qu'elle voulait aller rester en
appartement. Je serais inquiète si elle vivait toute seule, mais avec Marthe,
ça me rassure.
Chapitre 22
Un hiver bizarre
Une vague de froid sans précédent s'abattit sur le Québec dès la fin de la
première semaine de janvier. Il y eut bien quelques chutes de neige durant le reste
du mois, mais elles ne laissèrent qu'une maigre trace au sol. Pire, ce froid
polaire sembla vouloir se poursuivre durant février puisqu'il ne lâchait pas
prise même s'il y avait déjà dix jours écoulés au second mois de l'année.
Chez les Morin,
Laurette avait eu besoin de plusieurs journées avant de reprendre contact avec
la réalité après le baptême de la petite Catherine. Carole avait été le seul
membre de la famille à refuser d'assister à la cérémonie et à la petite fête
offerte par les nouveaux parents. Une semaine après sa sortie de l'hôpital,
elle était retournée au travail et semblait en voie de tourner la page. Elle
n'était venue chez ses parents qu'en une occasion depuis, et elle n'avait pas
cherché à s'informer de la santé du bébé.
Par ailleurs,
l'amour de la grand-mère pour Catherine ne se démentait pas. Elle avait d'abord
caressé le projet d'en devenir la gardienne attitrée lorsque Jocelyne serait au
travail, mais elle avait dû rapidement déchanter quand cette dernière lui avait
appris que sa mère allait s'en occuper. Elle avait dû reconnaître, bien malgré
elle, que madame Ouellet, demeurant dans la maison voisine du jeune couple,
était une gardienne beaucoup plus pratique.
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Cependant, il
n'en demeurait pas moins qu'à chacune des visites de l'enfant, on avait du mal
à la lui arracher des bras.
— C'est un amour!
ne cessait-elle de s'exclamer à chacune des visites de sa petite-fille. On
l'entend jamais brailler et elle a toujours le sourire. Comment voulez-vous pas
aimer une enfant comme ça? On dirait le portrait craché de sa grand-mère...
— Une chance que
vous la gardez pas, madame Morin, lui faisait remarquer sa bru. Vous me la
gâteriez sans bon sens.
Cela n'empêchait
pas les nouveaux parents, fiers de leur fille adoptive, d'en rajouter lorsqu'on
la vantait.
Pourtant, la vie
continuait. Si la fin de la grossesse de Carole, son accouchement et
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