La fuite du temps

vous apprendre qu'on va devenir parents, dit-il d'un air triomphant.
     
    — C'est pas vrai!
s'exclama Laurette. Dis-moi pas que t'es en famille? dit-elle à sa jeune bru.
     
    — Non, madame
Morin.
     
    — Là, je
comprends plus rien! s'exclama Laurette, intriguée.
     
    Richard ne laissa
pas le temps à sa femme de s'expliquer avant de reprendre la parole.
     
    — Hier, on est
allés signer les papiers pour adopter un enfant.
     
    — Ah oui, fit
Denise, stupéfaite.
     
    — Pas n'importe
quel enfant, reprit Richard. On a décidé d'adopter la petite de Carole. Tout
est arrangé. On va aller la chercher demain. La famille Morin vient encore de
s'agrandir.
     
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    — Ah ben! Pour
une nouvelle, ça en est toute une!
     
    s'écria Laurette,
le visage transformé par la joie.
     
    Après le premier
moment de stupeur passé, toutes les autres personnes présentes dans la pièce se
mirent à parler en même temps.
     
    — Quand est-ce
que vous avez décidé ça? demanda Gérard dont l'expression neutre ne révélait
pas ce qu'il ressentait.
     
    — Dès qu'on a vu
la petite, monsieur Morin, lui répondit sa bru.
     
    — Pourquoi vous
avez fait ça? fit Laurette dont la mine réjouie était belle à voir.
     
    — Parce qu'on est
tombés en amour avec le bébé, répondit son fils. Après cinq ans à attendre, on
s'est dit qu'il était temps qu'on fasse quelque chose, m'man.
     
    Laurette fut la
première à se lever pour aller embrasser et féliciter les nouveaux parents.
     
    — Si jamais vous
avez besoin d'une gardienne, vous me l'apporterez, dit-elle à son fils et à sa
bru. Je peux vous garantir que je vous la maganerai pas.
     
    Pierre, Denise,
Florence, Gilles, Jean-Louis et Marthe tinrent, à tour de rôle, à offrir leurs
bons voeux aux nouveaux parents.
     
    — Avez-vous
décidé comment vous allez l'appeler? demanda Denise.
     
    Richard regarda
Jocelyne qui lui adressa un bref signe de tête.
     
    — Cette enfant-là
a pas encore une semaine, on va pas s'amuser à lui changer son nom. On voudrait
pas qu'elle soit toute mêlée, plaisanta le père. Ça fait qu'on a décidé qu'elle
allait s'appeler Catherine, comme m'man avait commencé à l'appeler.
     
    Ce fut là le plus
beau moment de la journée de Laurette qui sentit que les larmes lui venaient
aux yeux. Seul Gérard
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    ne semblait pas
participer à la joie générale. À l'annonce de l'adoption par son fils, un pli
soucieux était apparu sur son front. Il ne dit rien, mais il était visible que
la nouvelle ne lui plaisait pas particulièrement.
     
    Après ces
instants émouvants, l'hôtesse incita ses invités à aller se servir à manger
dans la cuisine où des assiettes de viandes froides, des salades et des
sandwichs au jambon les attendaient.
     
    Au milieu de
l'après-midi, il y eut un court aparté entre Richard, Jean-Louis et Marthe
Paradis. Avant que les invités ne quittent les lieux, les futurs parents
apprirent aux autres membres de la famille que Jean-Louis et Marthe avaient
accepté d'être parrain et marraine de leur fille.
     
    De retour à la
maison à la fin de l'après-midi, Laurette finit par remarquer l'air préoccupé
de son mari.
     
    — Veux-tu ben me
dire ce que t'as, toi? lui demandât-
    elle en enlevant
son manteau. T'as ben l'air bête pour un jour de l'An.
     
    Il ne répondit
pas, se limitant à s'allumer une cigarette après avoir vérifié la fournaise du
couloir.
     
    — Je suis pas
toute seule à l'avoir remarqué, mais on aurait dit que ça te fait pas plaisir
que Richard adopte la petite.
     
    — Cybole,
Laurette Brûlé, on dirait que t'as rien entre les deux oreilles! s'écria-t-il
avec mauvaise humeur.
     
    — Qu'est-ce qu'il
y a? demanda-t-elle, surprise par cet éclat.
     
    — Il y a qu'on dirait
que tu vois pas tous les troubles que cette affaire-là va apporter dans la
famille. As-tu pensé une minute à ce qui va arriver si ta fille décide un jour
qu'elle veut reprendre la petite? — Tu sais ben qu'elle fera jamais ça,
répliqua sa femme d'une voix tout de même un peu moins assurée.
     
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    — Ah oui?
Qu'est-ce qui va se passer plus tard, le jour où cette enfant-là va entendre
quelqu'un de la famille s'échapper et lui apprendre qu'elle est pas la fille de
Jocelyne? — Tout le monde va se taire.
     
    — C'est ce que tu
dis. Mais si jamais ça arrive, ça va faire un drame et toute la famille va être
à l'envers. Si c'était juste de moi, je te le dis, cette enfant-là