La fuite du temps

cette dernière. L'eau est
gelée dans les tuyaux. Il faut tout de même que j'ouvre la porte au plombier...
     
    — Laissez faire.
Venez avec nous autres. Vous allez pouvoir téléphoner à votre livreur d'huile
de chez nous, tout à l'heure. Pour les tuyaux, je pense pas que ce soit
nécessaire de payer un plombier. J'ai une torche. Je devrais être capable de
les dégeler. Vous aurez juste à me donner vos clés. Moi, je reviens tout de
suite après le déjeuner pour vous construire une boîte autour de votre baril
d'huile. Venez.
     
    Les Morin
montèrent dans la Malibu de Pierre Crevier et poussèrent un soupir de
contentement quand le système de chauffage se mit à répandre une bonne chaleur
dans l'habitacle. Ils furent accueillis par une appétissante odeur de bacon
lorsqu'ils pénétrèrent chez Denise.
     
    5o1
    — Les enfants
dorment encore, chuchota-t-elle en venant à leur rencontre dans le couloir.
Déshabillez-vous et venez vous réchauffer un peu. Le déjeuner est presque prêt.
Vous pourrez vous faire la barbe après, ajouta-t-elle à l'intention de son père
et de son frère.
     
    A la fin de
l'avant-midi, Pierre revint chez lui et tendit les clés de l'appartement de la
rue Emmett à sa belle-mère en lui disant: — Tout est réglé, madame Morin. Le
livreur d'huile est passé et vos tuyaux sont dégelés. Il y avait juste l'entrée
d'eau qui était gelée. À part ça, j'ai réglé le poêle et la fournaise. Ils
chauffent ben tous les deux. Je suis aussi parvenu à faire une boîte ben solide
en plywood pour votre réservoir d'huile sur le balcon. Elle ferme par un
couvercle avec un cadenas. J'ai laissé les clés sur votre table de cuisine.
     
    Quand vous
attendrez une livraison, à cette heure, vous aurez juste à débarrer le
couvercle.
     
    — Je sais pas
comment te remercier, fît Laurette, reconnaissante.
     
    — Peut-être en
reprenant votre fille, plaisanta son gendre en faisant un clin d'oeil à sa
femme.
     
    — Ah ça, je peux
pas! lui dit sa belle-mère. Tu l'as trop gâtée et elle me coûterait ben trop
cher à cette heure.
     
    Les Crevier
gardèrent Laurette à dîner et, même si la distance entre leur appartement et le
sien n'était pas très grande, Pierre tint à ramener sa belle-mère en voiture.
     
    Dès le départ de
son gendre, Laurette décida de laisser tomber le lavage et de faire plutôt une
sieste.
     
    — Le lavage
attendra demain. Je suis trop fatiguée. Ça doit être parce que je me suis levée
ben de bonne heure, dit-elle à voix haute en se glissant sous les couvertures
en poussant un soupir d'aise.
     
    La sonnerie du
téléphone la tira brutalement du sommeil. Pendant un bref moment, elle ne sut
si c'était le
    502
    jour ou la nuit.
Puis elle aperçut un peu de clarté filtrer entre les rideaux tirés devant la
fenêtre. Elle se leva et se dépêcha de se rendre dans la cuisine pour répondre.
     
    — Madame Morin?
demanda une voix inconnue.
     
    — Oui. Qui parle?
    — Maurice
Deslauriers, madame. Mon nom vous dit probablement pas grand-chose, mais je
suis le boss de votre mari.
     
    — Oui.
     
    Laurette était
maintenant tout à fait réveillée. Immédiatement, plusieurs idées lui vinrent à
l'esprit. Qu'est-ce qui se passait? Pourquoi cet homme-là appelait-il à la
maison alors qu'il devait très bien savoir que Gérard était au travail? — Mon
mari est à l'ouvrage, monsieur, sentit-elle le besoin de lui expliquer.
     
    — Oui, je sais,
madame. Je vous appelle pour vous dire qu'il a été victime d'un petit accident
sur l'heure du midi.
     
    — Un accident!
     
    — Pas très grave,
madame, fît l'autre d'une voix qu'il voulait rassurante.
     
    — Qu'est-ce qui
est arrivé à mon mari? demandât-
    elle, subitement
alarmée.
     
    — Je pense qu'il
a eu un moment de distraction en faisant sa ronde. Il a pas vu un camion et...
     
    — Il s'est pas
fait écraser? — Mais non, madame. Rassurez-vous. Mais le chauffeur a pas pu
l'éviter tout à fait et votre mari a été frappé au bras par le miroir du
camion. C'est son bras droit et son épaule qui ont subi le choc.
     
    — Où est-ce qu'il
est, là? — On l'a fait transporter à l'hôpital de Cartierville.
     
    C'est le meilleur
hôpital pour soigner les membres brisés.
     
    5°3
    — Est-ce qu'ils
vont le garder longtemps? fit Laurette, très inquiète.
     
    — D'après le
médecin à qui j'ai parlé, ils vont le garder deux ou trois jours pour s'assurer
que tout est