La fuite du temps
grillage métallique, au-dessus du feu,
et plaça les pommes de terre dans les braises chaudes. Laurette aida ensuite sa
fille à dresser les couverts après que Gilles et Pierre eurent déplacé la table
près du foyer. Le souper fut plutôt agréable parce que la fumée dégagée par le
feu semblait éloigner un peu les moustiques. Laurette goûta avec suspicion le
poisson déposé dans son assiette. Il était évident qu'elle ne partageait pas le
plaisir des autres convives à savourer ce mets.
Après le souper,
tout le monde prit place autour du foyer régulièrement alimenté par Alain et
Denis, sous la supervision de leurs parents. L'obscurité tomba peu à peu et la
conversation se fit languissante. L'air pur semblait en voie d'avoir raison de
ces citadins. Vers huit heures, Denise décida qu'il était temps que les enfants
aillent dormir.
— Alain, prends
le fanal et amène ton frère et ta soeur aux toilettes, ordonna-t-elle à son
aîné.
Les enfants
obéirent en rechignant. Après être allés aux toilettes, ils durent demander à
leurs parents où ils allaient dormir.
— Est-ce que je
peux coucher dans la tente orange? demanda Alain.
— Ben oui,
répondit Laurette.
— Moi aussi! cria
la petite Sophie du haut de ses trois ans.
— La prochaine
fois, tu vas venir dormir avec grand-
mère, toi aussi,
lui promit sa grand-mère.
209
Une fois les
enfants couchés, les adultes décidèrent d'endosser un lainage pour combattre la
fraîcheur du soir.
Cependant, ils ne
purent veiller très longtemps devant le feu parce qu'une petite pluie fine se
mit à tomber moins d'une heure plus tard.
— Je pense qu'on
est mieux d'aller se coucher, déclara Pierre. Cette pluie-là va nous emmener
des mouches noires et des maringouins en masse.
— On vous laisse
un fanal au cas où vous auriez besoin d'aller aux toilettes durant la nuit,
précisa Denise en se levant.
— Et le feu?
demanda Gérard — On va le laisser mourir de sa belle mort, répondit Pierre. La
pluie va l'éteindre.
On se souhaita
une bonne nuit. Gérard et sa femme pénétrèrent dans la tente orange en
refermant soigneusement la fermeture éclair derrière eux en tâtonnant dans le
noir.
— On n'allumera
pas le fanal pour pas réveiller le petit, chuchota Laurette.
— C'est correct.
Je pense que je vais dormir tout habillé, dit Gérard. Je vais juste ôter mes
souliers. Mais avant ça, je vais aller aux toilettes. J'aurais dû y penser
avant d'entrer dans la tente.
— Attends-moi,
j'y vais avec toi, lui ordonna sa femme.
À leur sortie de
la tente, ils virent Denise et Pierre en train de transporter les boîtes
remisées sous l'abri dans le coffre de la Malibu.
— Qu'est-ce que
vous faites là? leur demanda Laurette à mi-voix.
— On place le
manger dans le char parce qu'on veut pas attirer les bêtes, lui expliqua son
gendre. Il y a des ratons laveurs et même des ours qui se promènent dans le
coin.
— Bonyeu, t'es
rassurant, toi! s'exclama Laurette.
210
— Je cherche pas
à vous faire peur, madame Morin. On prend juste des précautions.
— Bon. Est-ce
qu'on y va ou on y va pas aux toilettes? demanda Gérard, impatient de se mettre
au lit.
— Vous êtes mieux
de prendre le fanal, lui recommanda son gendre. Il fait pas mal noir dans le
bois et vous risquez de vous enfarger dans quelque chose en chemin. Tenez.
Oubliez pas le
papier de toilette, ça peut toujours être utile, ajouta-t-il en riant.
— Bon. Grouille,
Laurette, commanda le quinquagénaire à sa femme. Il commence à mouiller et les
maudits maringouins arrêtent pas de me tourner autour.
Sur ce, Gérard
prit le rouleau de papier hygiénique et le fanal. Il alluma ce dernier et
suivit le sentier étroit conduisant aux toilettes sèches. Peu rassurée, sa
femme lui emboîta le pas en jetant des regards apeurés autour d'elle.
Il y avait toutes
sortes de bruits inquiétants qu'elle ne parvenait pas à identifier. Arrivés au
bon endroit, Gérard tendit galamment le fanal à Laurette.
— Vas-y d'abord.
Je t'attends, fit Gérard.
— Moi, aller aux
toilettes dans des bécosses, dehors, ça me coupe l'envie, dit-elle avec
mauvaise humeur.
— Laisse faire
tes lamentations, la rembarra-t-il, impatient.
Grouille-toi.
J'ai pas envie de passer toute la nuit dehors à me faire mouiller dessus.
Sur ce, il lui
tourna le dos et se
Weitere Kostenlose Bücher