La fuite du temps

assez,
ajouta-t-elle en se mettant à genoux.
     
    Elle venait
soudain de penser que rien ne l'obligeait à endurer une telle situation et
qu'il lui était possible d'aller se réfugier dans la Chevrolet, qui, elle, ne
laissait pas pénétrer l'eau. Ayant pris sa décision, elle ouvrit la tente et se
glissa silencieusement à l'extérieur en apportant avec elle son oreiller et sa
couverture. Elle referma l'abri avant de se dépêcher de rejoindre la voiture
dont elle ouvrit l'une des portières arrière avant de s'installer sur la
banquette.
     
    Elle la referma
sans bruit, heureuse d'être enfin hors de portée de la pluie, des moustiques et
des animaux qui pouvaient venir visiter le campement à tout moment. Elle
verrouilla les quatre portières de la voiture et se sentit enfin en sécurité au
milieu de tout ce noir.
     
    La chaleur
emmagasinée dans le véhicule durant la journée l'indisposa d'abord. Cependant,
elle renonça à l'idée d'abaisser une glace ne serait-ce que de quelques pouces.
Il n'était pas question d'offrir aux légions de moustiques à l'extérieur le
plaisir de venir la piquer. Elle déposa son oreiller à une extrémité de la
banquette et tenta de s'étendre en étalant sur elle la couverture. Pour une
femme de sa corpulence, le siège était beaucoup trop court et, surtout,
beaucoup trop étroit.
     
    Bref, Laurette ne
trouva le sommeil qu'aux petites heures du matin, épuisée d'avoir cherché
vainement une
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    position
confortable. Elle fut réveillée en sursaut par quelqu'un qui frappait à l'une
des glaces de la Chevrolet.
     
    Il faisait clair
à l'extérieur, mais le ciel était encore nuageux.
     
    Denise la
regardait par la lunette arrière. Elle se redressa, sérieusement courbaturée,
et ouvrit la portière.
     
    — Qu'est-ce que
vous faites dans le char, m'man? lui demanda sa fille, un peu sarcastique.
     
    — J'essayais de
dormir, bonyeu! Vos maudites mouches noires m'ont pas lâchée. C'est la seule
place où j'ai pu avoir la paix.
     
    — C'est sûr que
c'est pire quand c'est humide, expliqua sa fille en s'efforçant d'être
compréhensive. Pauvre vous!
     
    Vous avez dû
avoir de la misère sans bon sens à dormir, coincée comme ça.
     
    — Ça m'a pris du
temps à m'endormir, mais j'en mourrai pas.
     
    — Venez boire une
bonne tasse de café, m'man.
     
    Ça va vous faire
du bien. Il est juste huit heures et les enfants viennent de finir de déjeuner.
C'est ça qui est plate quand on vient ici, il y a pas moyen de les faire dormir
tard.
     
    — Ah! je voulais
te dire pour les toilettes..., commença Laurette en s'extirpant de la voiture.
     
    — Oui. Pierre a
vu ça à matin et il les a déjà réparées.
     
    Vous vous êtes
pas fait mal, j'espère? — Non, mais j'ai eu peur en maudit de tomber dans le
trou, avoua piteusement sa mère.
     
    Laurette pénétra
sous l'abri et retrouva Pierre, Gérard et les enfants attablés.
     
    — Vous avez fait
la grasse matinée, madame Morin, se moqua gentiment son gendre.
     
    — Laisse faire,
toi. J'ai pas pu m'endormir avant trois heures du matin. Tes maudites mouches
noires piquent pas, elles emportent le morceau. J'ai jamais vu ça.
     
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    — Il y en a pas
mal moins quand le temps est sec, vous savez.
     
    Denise déposa une
tasse de café devant sa mère et la laissa fumer sa première cigarette de la
journée avant de lui offrir de déjeuner.
     
    — La messe est
juste à dix heures au village, déclara Denise. On a tout le temps de se
préparer.
     
    — Ah! Vous allez
à la messe, même quand vous êtes ici, dit Laurette avec un soulagement si
apparent qu'il fit sourire sa fille et son gendre.
     
    — Voyons, madame
Morin, vous deviez ben vous douter qu'on irait à la messe, même si c'est pas
mal loin, intervint son gendre. Avec Alain qui a fait sa première communion il
y a deux ans et Denis qui va la faire l'année prochaine, il est pas question de
leur donner le mauvais exemple.
     
    — J'étais
certaine que vous y alliez, mentit Laurette.
     
    Après avoir
déjeuné et traîné quelques minutes à table, on quitta l'abri pour remettre un
peu d'ordre dans les tentes. La vaisselle fut lavée et la nourriture, rangée.
     
    — J'espère que
vous pensez pas partir avant le souper, dit Denise à sa mère.
     
    — Vous êtes ben
fins, mais nous autres, on va rentrer à la maison après la messe, répondit
cette dernière en jetant un regard d'avertissement à Gérard.
     
    — A cette
heure-là, il va