La fuite du temps
dissimulant mal sa jalousie.
Carole se retint
difficilement de lui dire que ce n'était pas en fréquentant un prêtre qu'elle
risquait de se marier rapidement.
— T'as pas eu de
nouvelles d'André? poursuivit Louise Brûlé à mi-voix en s'éloignant de son père
et de sa mère qui s'approchaient.
— Aucune,
reconnut Carole d'une voix qu'elle voulait neutre.
— C'est un bel
écoeurant pareil de t'avoir laissée tomber sans rien dire.
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— Parle-moi pas
de lui, lui ordonna sa cousine en l'entraînant vers les portes ouvertes de
l'église où les gens avaient commencé à pénétrer à la suite de la mariée.
À l'intérieur,
les deux familles avaient pris place de chaque côté de l'allée centrale. Seuls
les quelques amis invités à la noce s'étaient répartis un peu partout. Ces
derniers étaient
surtout des instituteurs travaillant avec Gilles ou Florence. Pierre, Denise et
leurs trois enfants s'étaient installés dans le second banc, derrière Gérard et
Laurette, alors que Richard et Jocelyne s'étaient glissés à la dernière minute
dans le banc suivant.
À plusieurs
reprises, avant l'arrivée du prêtre, la mère du futur marié se tordit le cou
pour essayer d'apercevoir quelqu'un qui aurait été assis à l'arrière.
— Qu'est-ce que
t'as à gigoter comme ça? finit par lui demander son mari. C'est en avant que ça
va se passer.
— Achale-moi pas,
le rabroua Laurette à voix basse.
J'essaye de voir
Jean-Louis et la fille qu'il est allé chercher.
Je les vois pas
pantoute.
— Tu les verras
après la messe, la fouineuse.
Sa femme lui jeta
un regard mauvais, mais cessa tout de même de tourner la tête vers l'arrière
pour regarder Florence et Gilles, assis l'un à côté de l'autre dans des
fauteuils, face à la balustrade.
La cérémonie
célébrée par un jeune prêtre fut d'une grande sobriété. L'homélie de ce dernier
porta essentiellement sur l'amour que les conjoints devaient se porter l'un à
l'autre.
— Je te dis que
c'est tout un changement avec ce qui se passait dans notre temps, chuchota
Laurette à son mari.
— Pourquoi tu dis
ça? — Tu te souviens pas à notre mariage? Le curé a pas arrêté de répéter que
je devais t'obéir, bonyeu!
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— On peut pas
dire que t'as trop ben compris, plaisanta Gérard.
— Une folle!
répliqua sa femme.
Quelques instants
plus tard, le prêtre bénit les anneaux avant d'inviter les nouveaux époux à
communier sous les deux espèces.
Laurette jeta un
coup d'oeil en coulisse à la mère de sa nouvelle bru, assise de l'autre côté de
l'allée centrale.
L'enseignante
retraitée, émue, s'essuyait les yeux.
— Veux-tu ben me
dire pourquoi elle braille comme un veau? chuchota-t-elle à l'oreille de son
mari. Sa Florence est pas morte. A part ça, est-ce que je braille, moi? — Toi,
c'est pas pareil, répondit Gérard, qui avait du mal à garder son sérieux. Tout
le monde le sait que t'as le coeur dur.
— Attends après
les noces, toi, lui promit sa femme.
Je vais te
montrer si j'ai le coeur dur.
Enfin, le
célébrant bénit les nouveaux époux qui, après que les témoins eurent signé le
registre paroissial, quittèrent les fauteuils qu'ils occupaient devant le
choeur pour descendre l'allée centrale aux accents de la marche nuptiale de
Mendelssohn. Laurette et Gérard furent les premiers à suivre les nouveaux
mariés et les invités leur emboîtèrent le pas. Tout en suivant son fils et sa
nouvelle bru, Laurette cherchait du regard Jean-Louis et celle qui devait
l'accompagner.
Elle repéra
finalement le couple debout dans une rangée au centre de l'église.
— As-tu vu la
fille que Jean-Louis a invitée? demandât-
elle à son mari.
— Non.
— Je l'ai presque
pas vue, mais elle m'a l'air pas pire pantoute. Elle a une face un peu ronde et
des cheveux courts. Tu la regarderas quand elle va sortir de l'église. Elle a
une robe rouge.
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— Une chance que
tu l'as presque pas vue, se moqua Gérard en posant le pied à l'extérieur.
Les invités
rassemblés sur le parvis durent prendre position sur les marches conduisant à
l'église en suivant les directives du photographe un peu maniéré, retenu pour
réaliser des photos du mariage. L'homme se mit en devoir de placer tous les
gens pour exécuter une première photo de groupe.
Quelques minutes
plus tard, la mère de la mariée
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