La fuite du temps
invita les personnes présentes au dîner qui
allait être offert dans la salle de réception du restaurant Rieno situé sur la
rue Sherbrooke, deux rues à l'ouest du boulevard Pie IX. Elle les prévint
également que la voiture des mariés quitterait le cortège en cours de route
pour aller un bref moment au Jardin botanique pour une courte séance de photos.
Comme il faisait
un soleil splendide, les invités se rassemblèrent dans le stationnement du
restaurant en attendant l'arrivée imminente des jeunes mariés. Dès qu'elle posa
le pied à terre, Laurette chercha des yeux Jean-Louis et sa compagne pour qu'il
la lui présente. Elle aperçut immédiatement Denise, Pierre, Jocelyne et Richard
en grande conversation avec Jean-Louis et la jeune fille inconnue.
— Viens, dit-elle
à Gérard. On va aller rejoindre les enfants.
— Ça te démange
de la connaître, cette fille-là, hein? fit son mari en la suivant sans se
presser.
Laurette ne se
donna pas la peine de lui répondre.
Lorsqu'elle
arriva près du petit groupe, celui-ci s'ouvrit pour laisser de la place aux
parents.
— M'man, p'pa, je
vous présente Marthe Paradis, une amie qui travaille avec moi à la banque, dit
Jean-Louis à ses parents.
La jeune femme
s'empressa de leur serrer la main avec une aisance et un large sourire qui
plurent à Laurette.
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Cette dernière ne
la quitta guère des yeux pendant que la conversation interrompue par son
arrivée reprenait entre ses enfants et son gendre. De toute évidence, Marthe
savait écouter.
Un peu plus loin,
Carole et Louise discutaient à voix basse.
— J'ai une grande
nouvelle à t'apprendre, fit la fille d'Armand Brûlé.
— Qu'est-ce qui
se passe? lui demanda sa cousine.
— Je reste en
appartement, à cette heure, chuchota Louise.
— C'est pas vrai!
Depuis quand? demanda-t-elle, envieuse.
— Deux jours.
— Es-tu toute
seule? Sa cousine allait répondre, mais elle se tut car les invités s'étaient
subitement rapprochés dans l'intention de mieux voir les mariés dans la
Cadillac de location qui venait de s'immobiliser devant le restaurant. Les deux
jeunes filles n'eurent d'autre choix que de se mêler à eux pour entrer à
l'intérieur à la suite des nouveaux époux.
— Je pense ben
qu'il va falloir aller se placer à côté de Gilles et Florence pour saluer les
invités, expliqua Gérard.
— Et nous autres,
on va aller faire la ligne pour féliciter les mariés, rétorqua Richard.
Les parents
quittèrent le groupe.
— Elle a de beaux
yeux, fît remarquer Laurette en ne précisant pas de qui elle parlait.
— En plus, elle a
une belle façon et elle sait se tenir, poursuivit Gérard, qui avait deviné que
sa femme parlait de Marthe Paradis.
— Ah ben, maudit
verrat! s'exclama Laurette à mi-voix en cessant brusquement d'avancer.
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— Bon. Qu'est-ce
qu'il y a encore? lui demanda son mari.
— Regarde la
blonde en avant de nous autres.
— Qu'est-ce
qu'elle a de spécial? — Elle a de spécial qu'elle a sur le dos exactement la
même robe que moi, répondit-elle d'une voix rageuse.
Bonyeu! Je
dépense une fortune pour être habillée comme du monde et il faut qu'une maudite
niaiseuse aille s'acheter la même robe que moi. J'ai l'air fin, là!
— Ben voyons
donc, taboire! protesta Gérard à mi-voix.
Elle a ben le
droit d'avoir la même robe que toi. As-tu remarqué combien d'hommes ont le même
habit gris que moi? Il y en a au moins cinq ou six. Je poigne pas les nerfs
pour ça.
— Tu sauras que
c'est pas la même chose pantoute pour une femme, répliqua Laurette sur un ton
définitif.
Elle s'avança
sans se presser vers la mère de la mariée à qui elle n'avait pas trouvé
l'occasion d'adresser la parole depuis les fiançailles. Les deux femmes
n'auraient pas pu être plus dissemblables. L'une était grasse, de taille
moyenne et exubérante tandis que l'autre était longiligne, dotée d'une mince
figure ascétique et très réservée.
— J'espère que la
femme de Gilles ressemblera pas un jour à sa mère, chuchota Laurette à son
mari, en s'approchant de Jacynthe Messier.
— Qu'est-ce que
tu lui reproches? — Elle ressemble à ta soeur Colombe, bonyeu! On dirait
qu'elle a avalé un balai, elle aussi.
Sur ce, Laurette
étala un large sourire sur son visage pour saluer la mère de sa nouvelle bru.
Elle prit place ensuite
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