La fuite du temps
fille.
— Ben, t'avais
juste à te grouiller avant, lui fit remarquer sa mère. T'as eu en masse le
temps de te trouver un chum qui a du bon sens avant aujourd'hui.
Un peu avant dix
heures, Jean-Louis annonça qu'il s'en allait chercher la fille qui devait
l'accompagner ce jour-là.
— J'ai assez hâte
de voir le numéro qu'il a trouvé, lui, ne put s'empêcher de dire Carole après
le départ de son frère aîné.
— Moi aussi,
convint sa mère. Mais je vois pas pourquoi ce serait pas une belle fille.
Jean-Louis est un bel homme qui sait se tenir.
La jeune fille
fut sur le point de dire que c'était déjà bien beau que ce soit une fille qui
l'accompagne, mais elle se retint, assurée que sa mère n'apprécierait pas ce
genre de remarque au sujet de son préféré.
Quelques minutes
plus tard, Gérard rentra dans la maison, endossa son veston et épingla
l'oeillet blanc offert par Gilles.
— Bon. Je pense
qu'on est aussi ben d'y aller, si t'as pas changé d'idée, dit-il à son fils.
— Il y a pas de
danger, p'pa. Je monte dans votre Chevrolet pour aller à l'église. Le chauffeur
de la Cadillac louée va aller chercher Florence et sa mère chez elles.
Après la
cérémonie, un frère de madame Messier va la transporter pendant que je monterai
avec Florence dans la Cadillac.
— T'es sûr que
t'aimerais pas que le cortège vienne jusqu'ici? lui demanda sa mère pour la
troisième fois depuis le début de la semaine. Verrat, il me semble que ce
serait
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le fun que les
voisins vous voient habillés en mariés dans un convertible.
— Ben non, m'man.
Nous voyez-vous partir de la rue Davidson en klaxonnant et en bloquant la
circulation juste pour nous faire admirer? Florence et moi, on s'est dit qu'on
aurait l'air de deux beaux concombres! Non. Les voitures vont passer devant
l'appartement de la mariée, parce que c'est la tradition et, surtout, parce que
c'est presque sur le chemin du Rieno où va se faire la réception.
— C'est ben de
valeur pareil, dit sa mère avec regret.
— Vous ferez ça
quand ce sera les noces de Carole, suggéra Gilles en sortant de la maison.
— On risque
d'être vieux en maudit, ronchonna Laurette. Elle a même pas encore un chum.
Carole, stoïque,
ne dit rien. Elle se contenta d'ouvrir l'une des portières arrière de la
vieille Chevrolet d'une propreté impeccable. Elle se glissa sur la banquette
arrière, suivie de près par sa mère.
Lorsque les Morin
arrivèrent à l'église, un peu plus de soixante-dix personnes étaient massées
sur le parvis.
— Sacrifice, il y
a déjà pas mal de monde, constata Laurette. Tes noces vont te coûter toute une
beurrée, mon gars.
— Il en manque
encore une vingtaine, si je me trompe pas, se contenta de dire Gilles en
saluant de la main parents et amis avant de pénétrer dans le temple en
compagnie de son père.
Comme la mère de
Florence était une retraitée aux moyens financiers plutôt limités, les futurs
époux avaient convenu avec elle qu'ils se chargeraient de la moitié du coût de
la noce.
Bien peu
d'invités suivirent le marié et son père à l'intérieur.
De toute
évidence, ils attendaient de voir arriver la
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future épouse.
Ils n'eurent pas à attendre bien longtemps.
Moins de dix
minutes plus tard, Florence Messier et sa mère arrivèrent à bord de la voiture
de location. La jeune femme, vêtue d'une robe de mousseline blanche et coiffée
d'un long voile descendit d'une rutilante Cadillac noire.
Son oncle Aimé,
qui devait lui servir de témoin, s'avança vers elle pour lui offrir le bras.
Sophie, la cadette de Denise Morin, vint à leur rencontre, poussée doucement
par sa mère. Vêtue d'une petite robe en organdi bleu ciel, la fillette de trois
ans était la bouquetière choisie par les futurs mariés.
— Mais t'es bien
belle, toi! s'exclama Florence en embrassant celle qui allait devenir sa nièce
quelques minutes plus tard.
La fillette,
toute fière, se pavana devant elle en lui adressant son plus beau sourire. En
haut des marches du parvis, Carole avait rejoint ses cousines Louise et
Suzanne.
Seule cette
dernière était accompagnée par un grand échalas à l'air timide.
— Florence a beau
avoir trente-cinq ans, murmura Louise à sa cousine, elle les fait pas.
Aujourd'hui, on lui en donnerait dix de moins. Elle est chanceuse de s'être
casée à son âge, poursuivit-elle, en
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