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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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volumes. Sur un gros livre, deux, même, étaient posées ses pantoufles ; sur un épais tome (un dictionnaire), son pot à lait ; dans des interstices entre certaines œuvres étaient insérés ses enveloppes, son papier à en-tête, de la ficelle, des plumes neuves, des timbres et des buvards. J’ai souri devant l’ingéniosité de mon étrange ami et pris le livre où était posée la souche de chandelle – Le Cycle de vie des Lampyridae – pour examiner tout cela de plus près. J’ai déniché de grandes cartes de visite (illustrées d’un portrait de Pilgrim, bien plus jeune, penché sur un livre, sourcils froncés), des missives recouvertes d’un linceul de poussière et d’un voile de toiles d’araignée, du papier à lettres si humide qu’y fleurissaient des taches de moisissures, des sceaux qui se sont effrités entre mes doigts et un encrier desséché. Il y avait beau temps que tout cela n’avait servi.
    Puis quelque chose m’a attiré l’œil, à hauteur d’épaule. Quelque chose qui remuait. J’ai levé la bougie et là, pressant son corps noir entre deux volumes verticaux, j’ai découvert une araignée. Elle était énorme, avec de longues pattes velues, et poussait sur les couvertures, tentant de s’insérer dans le mince espace. Dans le silence de la boutique, je distinguais le léger frottement de ses pattes sur le cuir tandis qu’elle essayait de venir à bout des grossières reliures. Sa façon de se tortiller, de se démener, de se contorsionner, de se retourner en agitant ses membres était si répugnante que je me suis emparé du premier bouquin venu pour le lancer sur l’odieuse créature. Je l’ai manquée de peu, mais, surprise, elle a perdu l’équilibre, et elle est tombée en faisant « pouf » quelque part à mes pieds. À l’idée que cet énorme corps noir plein de pattes gigotant dans tous les sens puisse s’agripper à mes bottes ou à l’ourlet de mon pantalon, j’ai été saisi par la panique, aussi, j’ai fait un bond, et mon coude a accroché une tourelle de livres, qui a chancelé et s’est abattue sur moi dans une pluie de cuir et de poussière. J’ai alors été pris d’une sorte de danse de Saint-Guy, m’agitant en gestes désordonnés de crainte que l’immonde créature noire n’ait toute une colonie de compagnes.
    Le fracas a fait vaciller la flamme des bougies, l’une d’elles est même tombée par terre, sans s’éteindre, et je l’ai ramassée en hâte, en faisant très attention de ne pas attraper l’araignée avec par accident. C’est en me penchant ainsi que j’ai vu, posé parmi des livres, un gros paquet scellé, attaché avec soin au moyen d’une ficelle. Il m’est pour ainsi dire tombé entre les mains.
    Dedans, une série de photographies, des douzaines, d’un réalisme tel que les gens auraient pu se tenir devant moi. C’était ce que les bonimenteurs appellent des « Frenchies », parce que les Français ont la réputation de fabriquer les portraits de femmes nues les plus salaces qu’on puisse acheter sous le manteau, dans la rue ou sur les foires. Bien sûr, j’ai déjà vu des « Frenchies » – quel homme ne s’est jamais rendu à Barnet Fair ? – par contre jamais je n’avais vu d’images aussi sordides. On n’y trouvait pas comme à l’accoutumée de femme se déshabillant tandis qu’un flic souriant l’observe par une fenêtre ouverte. Ni de nymphe dormant nue, que lorgne au passage un marinier.
    Non, ces photographies-là étaient de nature très différente.
    Il y avait là des hommes en robe de juge ou d’évêque, en uniforme d’amiral. Les juges portaient leur perruque, de même qu’un musicien, l’évêque, sa mitre, les lords, leur cape d’hermine ou l’ordre de la Jarretière, un militaire, un uniforme sombre et un tricorne. Il ne s’agissait pas de comédiens. Non, je connaissais le nom de tel lord, de ce gentleman respectable, de cet apôtre de la tempérance, membre mineur de la famille royale, qui tous abusaient de jeunes femmes et d’enfants de la manière la plus violente et la plus crue. Ici, Lord X., qu’on avait vu au bras de la reine pas plus tard que la semaine passée, fessait une jeune femme avec une cravache. Là, Son Éminence l’évêque de Y. faisait sauter sur ses genoux une petite fille nue. Ce même évêque avait baptisé il y a peu un nouveau-né, membre de la famille royale, et inauguré un hôpital pour les enfants trouvés. Un général aux

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