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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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nombreuses décorations, rentré depuis peu de la guerre, jouissait d’un garçon aux cheveux bouclés. Là, le duc de Z. troussait une domestique tandis qu’un autre l’encourageait en lui fouettant le dos. Toutes ces photographies montraient des messieurs comme il faut, des banquiers, des chevaliers, des membres du clergé, en tenue de cérémonie, ainsi que les misérables objets de leur concupiscence, capturés de manière si réelle, si nette, que les regarder revenait à écarter un rideau pour espionner par une fenêtre. Mes mains en tremblaient, et j’ai laissé échapper un cliché qui, en heurtant mon pied, s’est retourné. On y découvrait un général botté, en uniforme, qui violait une enfant ; la peur, la douleur qu’on lisait sur ses traits créait un contraste atroce avec l’intensité lugubre qu’affichait son agresseur. Ils se tenaient sur une chaise élégante (j’ai reconnu les pieds torsadés), dans le fond, on distinguait des draperies déchirées, avec des plis apparents, et dessous, le bois du mur.
    Il y avait un autre paquet, plus petit, ficelé avec soin. Dedans, une lettre et cinq photographies, ignobles images d’une enfant et d’un homme que je n’avais jamais vu.
    Mes jambes se sont dérobées sous moi et je suis tombé à genoux ; Will et Trim sont venus à la rescousse. Ils étaient joyeux malgré le froid, stupéfaits de découvrir ce chaos, dégoûtés par les moisissures qu’ils décelaient partout, jusque derrière les étagères.
    Trim a éclaté de rire et m’a pris par le bras.
    « Attention, Bob, tu risques d’être englouti sous une avalanche de… mais… qu’y a-t-il ? Qu’est-ce que c’est ? »
    Ils me surplombaient, frottant leurs mains froides, m’éclairant avec curiosité de leur bougie. Puis l’horreur s’est peinte sur leurs visages devant ce que j’avais découvert. J’ai déplié la lettre, l’ai tendue à Will. Il l’a lue lentement.
     
    Ces photographies ont été réalisées par moi, George Kevill, ce jour, samedi 11 octobre 18 –, dans le Studio et magasin de photographie Kevill, sur Fish Lane. L’enfant âgée de dix ans s’appelle Alice Corcoran. L’homme est…
     
    « Je le connais, s’est écrié Trim en s’emparant de la photographie. Il est toujours aux courses, au premier rang ! Il m’a prêté de l’argent, le mois dernier. Il s’est montré généreux – dans la somme, comme dans les conditions. Jamais je n’aurais cru…
    — Chut ! Il y a autre chose. Écoutez-moi ça. »
     
    Toutes les photographies ont été datées et signées au dos par moi, George Kevill. Trois enfants ont été assassinées par cet homme : Patience Rhodes, Mary O’Malley, Polly Evans. D’autres ont été enlevées et tuées par accident ou volontairement. Leurs corps…
     
    Il s’est arrêté, a relevé la tête pour nous regarder, horrifié.
    « Il est écrit : “ Par arrangement, mais jamais avec la permission de John Bunyan Pilgrim, sont enterrés dans la cave de sa librairie de Fish Lane.” »
    Il a poursuivi, mais je ne l’entendais plus. George Kevill avait remis à Pilgrim les photographies et la lettre qui devaient envoyer ce démon à la potence – peut-être était-ce lui, l’oncle dont avait parlé Barney. Seulement mon ami avait camouflé le tout parmi ses livres, sachant qu’ils étaient aussi dangereux qu’un feu d’artifice dans une meule de foin. Pourquoi ne s’en était-il pas débarrassé ? Pourquoi ne les avait-il pas envoyés à la police, aux magistrats, au Premier ministre ? Ou bien encore pourquoi ne les avait-il pas détruits ?
    Will et moi avons eu la même pensée au même moment.
    La cave.
    Il fallait aller voir.

17
    Pilgrim – Le Grand Méchant –
 Descente aux enfers
    La porte n’était pas verrouillée et un escalier escarpé s’enfonçait dans les ténèbres : j’ai compté jusqu’à vingt pour ne pas me laisser envahir par la panique et l’envie de ficher le camp. L’odeur nauséabonde qui nous avait assaillis en entrant et imprégnait toute la librairie était à présent bien plus forte, portée par les vents coulis. Will a enroulé son écharpe autour de son visage. Au pied des marches, dans la lueur de nos chandelles frémissantes, nous avons découvert un vaste sous-sol au plafond bas (Will, qui fait un bon mètre quatre-vingts, a dû baisser la tête, quant à moi, je touchais le plafond sans mal), qui s’étendait sous la boutique de Pilgrim mais aussi

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