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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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dans la cour, ou dans la remise, ou – et cette idée m’a fait frémir – dans l’ancienne étable. Nous avons franchi le couloir et sommes sortis dans la cour inondée de lune, face à l’étable, derrière laquelle s’étendaient les territoires caverneux de la tranchée et du tunnel. La simple pensée que nous étions si proches me faisait froid dans le dos. Will et Trim, eux, ignoraient tout, aussi n’éprouvaient-ils aucune crainte et, à force d’arpenter la cour, il a bien fallu reconnaître qu’il n’y avait personne. Pas le moindre chien en vue.
    Will a secoué la porte de la cour de Pilgrim, et celle-ci s’est ouverte. J’aurais voulu leur dire : « Il n’y a rien ici, juste un pauvre fou, s’il ne s’est pas enfui », mais ils étaient déjà entrés. Ils ont fureté partout, dérangeant une famille de rats, et Will a chuchoté qu’il allait jeter un coup d’œil par la fenêtre pour voir « si Barbe-Bleue est à la maison ». Mais cela n’a pas été nécessaire, car la porte était ouverte, cette porte qu’il barricadait toujours avec tant de soin. Cela m’a paru si étrange que j’ai arrêté Will d’un geste.
    « Qu’y a-t-il ? a-t-il fait à mi-voix. Tu connais cet endroit ? »
    J’ai hoché la tête. Oh oui ! Si seulement j’avais pu parler, quelles histoires j’aurais pu leur conter !
    « Et l’homme qui vit ici ? Courons-nous un danger ? »
    Je ne le pensais pas, mais tout de même, c’était fort curieux de découvrir cette porte ouverte. En entrant, le premier, j’ai été assailli par l’odeur familière d’humidité et de moisi, et à tâtons, j’ai cherché mon chemin jusqu’à la petite cuisine, puis jusqu’au couloir, où régnait un noir d’encre. Mes mains couraient le long des lambris, à travers les toiles d’araignée, dérangeant les autres créatures qui avaient élu domicile derrière des années de papier, des décennies de livres. Le sol était humide, spongieux, peau irrégulière et grumeleuse de carpettes grossières et usées, empilées les unes par-dessus les autres, et de planches gauchies. Mon pied s’est pris dans ce matelas pourrissant et j’ai trébuché. Dans la boutique, il faisait très froid, et Will s’est mis à taper des pieds sur le sol, à se donner des bourrades sur les bras et les flancs ; les tours de livres se sont mises à trembler, vaciller.
    « Quelqu’un habite-t-il vraiment ici ? Grands dieux ! Mais comment est-ce possible ? Il fait un froid d’enfer, Bob, et ces odeurs, on dirait qu’un égout s’écoule au milieu !
    — Qui est-ce ? a demandé Trim qui avait ouvert un volet de la façade et farfouillait dans l’espoir d’allumer une bougie ou deux. Ne faudrait-il pas l’appeler ? »
    Will s’en est chargé, d’une voix de stentor, mais il n’y a eu ni réponse ni le moindre bruit. Mon ami était absent, j’en étais certain, et il n’y avait personne. Dans son alcôve, le mur de livres fabriqués avec un papier britannique de qualité supérieure commençait à donner des signes de faiblesse. L’espace si confortable où s’encastraient naguère la tête et les épaules de Pilgrim s’était effondré, et les piles bien nettes d’ouvrages d’histoire et de traités qui constituaient son siège étaient à présent recouvertes sous l’avalanche des œuvres qui les surplombaient auparavant. Malgré tout, je me suis frayé un chemin, puis, avec l’aide de Trim, j’ai allumé la souche d’une chandelle baignant dans sa propre cire coagulée, et pour la première fois, j’ai inspecté la configuration intérieure de la librairie. Elle paraissait beaucoup plus petite depuis ce siège bas, mais la flamme vacillante des bougies rendait les espaces supérieurs encore plus sombres et ténébreux. La tasse de Pilgrim était posée sur son étagère – en l’occurrence, un livre, abondamment marqué de cercles, empreintes du fond de la tasse, et de taches laissées par les débordements, intitulé Camellia sinensis : l’arbre à thé, histoire et culture –, et alors j’ai compris que ce que j’appelais son alcôve, car nul autre terme ne me paraissait mieux approprié, était en réalité son bureau. Depuis son siège, il pouvait attraper sa tasse, sa chandelle et ses allumettes, sa   seconde paire de chaussures, son registre et sa plume, son encrier, etc., tous ces objets demeurant perchés sur des promontoires ou dans des espaces ménagés par la disposition des

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