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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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voudra qu’on la trouve, pas avant. Il faut la laisser. Et arrête d’embêter Bob en lui demandant de la chercher. »
    Au début où je travaillais en ville, par devoir envers mon ami, je me suis mis en quête de Lucy Strong, qui s’était enfuie de chez elle pour suivre un acteur. Évidemment, le type l’avait déshonorée et tout de suite abandonnée, et la honte l’avait empêchée de retourner chez ses parents. Voilà l’histoire que Strong se racontait à lui-même, et qui étais-je pour le contredire ? J’arpentais les rues avec diligence en quête de la jeune fille. Sachant que son amant était comédien, je visitais les coulisses de tous les théâtres, les meilleurs comme les pires, je me rendais dans toutes les tavernes, tous les pubs où les gens du spectacle ont leurs habitudes, mais c’était comme chercher une perle sous la grêle. Avait-elle changé de nom ? Rejoint la profession ? C’était possible, et ça ne me facilitait pas la tâche. En fin de compte, même si la conviction désespérée de son père qu’on allait la retrouver me navrait, j’ai fini par me convaincre qu’elle était perdue, qu’elle avait sombré si bas que sa honte lui était intolérable. Et je pense que Mrs Strong est du même avis, même si elle se refuse à le dire à son époux de crainte de lui briser le cœur. Lorsqu’il évoque ses espoirs de retrouver sa fille, Grace secoue la tête et se mord la lèvre.
    Et par ce matin d’hiver frisquet, au milieu des choux verts ou frisés, j’ai compris que j’avais beaucoup de chance : j’ai de bons amis, Trim et Will, un employeur compréhensif, Mr Abrahams, et peut-être aussi Mr Carrier. Une chambre propre dans un quartier comme il faut, et une vie qui, fait étrange, me convient. En dehors des troubles de ces derniers jours, mon existence est plutôt paisible, et si je parviens à maintenir ce calme, cet ordre, alors tout sera parfait. Mes besoins sont modestes, mon ordinaire frugal, aussi je peux mettre quelques sous de côté. J’épargne un penny par-ci, six pence par-là. Parfois un shilling. Et pas pour mes vieux jours ! Il y a un an, dans cette même cuisine, tandis que sa femme faisait frire du bacon dans une poêle, Titus Strong m’a soumis cette proposition.
    « Alors, Bob, on se connaît plutôt bien maintenant. Il y a combien d’années que tu as débarqué ici, fatigué et brisé ? »
    J’ai songé que ça faisait un bail. Dix ans ? Qui sait ? Le temps file à tire-d’aile. Autrefois, il y avait un jeune gars, sans argent et sans cœur. Et puis est arrivé Titus Strong, avec un bras gonflé comme un ballon (il était infecté), et dans la main un shilling pour celui qui emmènerait sa charrette de choux au marché, en ville. Il m’a donné ce shilling, offert un bon repas et, quand je suis revenu, un lit pour la nuit dans la cabane à outils. Le lendemain matin, il m’a encore donné six pence, une tranche de pain, une autre de bacon, et m’a rappelé que si j’étais honnête envers mon prochain, je serais récompensé. Et que si d’aventure je revenais dans les parages, alors je devais lui rendre visite. Ce que je n’ai cessé de faire depuis.
    « Le lendemain, il parlait de toi, et encore des semaines après, a dit Mrs Strong. Il prétend que dès qu’il t’a vu, il a su que tu ne t’enfuirais pas avec la charrette, le cheval et le chargement de choux. Remarque, son jugement n’est pas toujours à la hauteur de celui de Salomon. Il y en a qui lui en ont fait voir de toutes les couleurs. Tu te souviens de ce coquin qui t’a volé toutes tes pelles, tes bêches, tes houes et tes plantoirs ?
    — Pour sûr, a répondu Strong en riant, et aussi la brouette pour les emporter ! »
    Le feu crépitait, le bacon grésillait dans la poêle. Nous étions assis depuis un moment quand Mrs Strong a fait claquer sa langue d’impatience.
    « Voyons, Mr Strong ? Est-ce que tu vas faire languir Bob jusqu’au Jugement dernier ? Et ta proposition ? »
    Titus Strong a froncé les sourcils.
    « J’essayais de rassembler les mots justes dans ma tête, Grace, avant de les prononcer. » Il s’est tu, m’a longuement dévisagé. « Allons, Bob, on se connaît bien, maintenant. Après toutes ces années, je te considère comme un fils… et tu t’es toujours intéressé à nos champs… et je ne suis plus tout jeune… alors… j’aimerais que tu réfléchisses… si ça n’est pas une trop mauvaise idée… pourquoi ne

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