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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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aimait à citer de son vivant.
    — Connaissez-vous tout le quatrain, Monsieur
d’Orbieu ?
    — Oui, Sire.
    — Plaise à vous de me le réciter.
    —  Quiconque meurt meurt à douleur.
    Celui qui perd vent et haleine
    Le fiel lui tombe dessus son cœur ,
    Puis sue Dieu sait quelles sueurs.
    —  C’est un memento mori fort saisissant,
dit le roi. Monsieur d’Orbieu, voudriez-vous jeter sur le papier ces vers que
voilà. J’aimerais les garder par-devers moi.
    — Je le ferai, Sire.
    Louis reprit après un long silence :
    — Le docteur Héroard était fort vieux, je crois.
    — En effet, Sire. Il avait soixante-dix-sept ans.
    — Soixante-dix-sept ans ! Mais c’est un très vieil
âge !…
    À la mélancolie qui envahit alors le visage du roi,
j’entendis bien la pensée qui lui poignait le cœur. « Pour moi, je ne
vivrai pas si vieux. » Et je fus bien confirmé qu’il faisait là un retour
sur lui-même et pensait aux rechutes toujours plus fréquentes et graves de son
intempérie, quand il ajouta avec un soupir :
    — Pauvre Héroard. J’avais encore bien besoin de lui…
     
    *
    * *
     
    Nicolas et Madame de Bazimont, dès la minute où j’eus mis le
pied dans le château, ne furent pas sans s’apercevoir que j’étais tout
chaffourré de chagrin. Mais si Nicolas n’osa pas me poser à ce sujet les questions
qui lui brûlaient les lèvres, Madame de Bazimont était à la fois trop curieuse
et trop maternelle pour ne pas quérir de moi le pourquoi de cette mélancolie.
Et pour moi, je lui avais trop de gratitude pour les soins infinis dont elle
nous entourait pour ne point désirer de la satisfaire.
    — Mon Dieu ! s’écria-t-elle. Le docteur Héroard
est mort ! Le médecin du roi ! Faut-il qu’il ait été savant en sa
médecine pour qu’on lui permît de soigner le souverain ! Et le voilà
mort ! N’est-ce pas étrange que les grands médecins meurent ! Eux qui
savent tous les remèdes !…
    Cette naïveté titilla mon Nicolas et je lui jetai un œil
sévère pour qu’il réprimât le sourire qui naissait sur les commissures de ses
lèvres.
    — C’est qu’il était fort avancé en âge, dis-je, et très
lassé de son grand labeur.
    Là-dessus, Luc, qui s’était pour sa part fort bien
rebiscoulé de son intempérie, vint nous annoncer que le dîner était servi. Et
avec sa coutumière discrétion, Madame de Bazimont nous quitta dans un grand
froissement de son demi-vertugadin – qui, comme bien sait ma belle
lectrice, était la grande coquetterie de sa vie.
    Dès que nous fûmes au bec à bec à table, mangeant tristement
notre rôt, mon Nicolas me demanda sotto voce si Héroard était un aussi
bon médecin qu’on le disait à la Cour.
    — D’après mon père, dis-je, c’était un médecin dans la
tradition du Maître Rondelet de l’École de médecine de Montpellier. Il croyait
que le mal, venant de réplétion, ne manquait d’être guéri par l’ évacuation  :
clystère, purgation et saignée. Ajoutons la diète, pour faire bonne mesure. Et
voilà notre malade déjà très affaibli.
    — Ce n’était donc pas un bon médecin ?
    — Mais si, Nicolas. Bon, il l’était sous certains
aspects. Il aimait Louis de grande amour et lui était corps et âme dévoué et
lui rendait de grandissimes services en refrénant sa goinfrerie, en l’empêchant
de s’exténuer à la chasse, en l’obligeant de se coucher tôt et en combattant
ses accès de fièvre par la quinine. En outre, Louis avait grande fiance en lui
et la fiance est, comme on sait, la moitié de la guérison. Sans Héroard, Louis
doit se sentir aujourd’hui perdu. Et à mon sentiment, la disparition de son
médecin n’est pas étrangère à sa décision de se retirer quelques semaines en
Paris. Et d’autant qu’il sera, en sa capitale, plus à même de recruter un
nouvel Esculape de quelque renommée.
    Notre repue avalée, Luc et les valets furent prompts à
enlever nappe et couverts de la table et nous passâmes alors comme à
l’accoutumée dans un cabinet fort bien accommodé en meubles où Luc installait
déjà les pots de la tisane du soir. Là-dessus, Madame de Bazimont réapparut,
ses cheveux d’un blanc neigeux fort bien recoiffés et, renvoyant le valet,
désira nous servir de ses mains. À vrai dire, je me serais bien passé, ce
soir-là, de cette petite cérémonie, mais il eût été, à mon sentiment, fort
désaimable d’en priver Madame de Bazimont, car c’était pour

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