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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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à une rupture, s’il n’y avait pas eu, d’un côté
comme de l’autre, une grandissime estime et qui plus est, une profonde
affection, à l’ordinaire retenue et discrète, mais qui allait se révéler tout à
plein, à l’occasion de cette séparation que je vais maintenant conter.
    Comme Louis, après avoir disposé rapidement de la duchesse
de Rohan, ne paraissait pas prêt à rompre le silence, Richelieu se décida, un
pied en avant et l’autre déjà sur le recul, à prendre la parole.
    — Votre Majesté a-t-elle décidé ce qu’Elle voulait
faire concernant son retour en Paris ?
    — Je balance encore, dit Louis, la décision me
paraissant si grosse de conséquences.
    — Sire, votre auguste père l’a dit : à la guerre
on ne peut rien décider sans jeter beaucoup de choses au hasard.
    — Je sais, dit Louis, je me le répète tous les jours.
Néanmoins, j’hésite encore. Je répugne à vous abandonner céans.
    — Sire, dit Richelieu, de grâce, n’hésitez pas
davantage ! Il y va de votre santé. Et votre santé est ce qu’il y a de
plus précieux au bien de ce royaume…
    — Mais si je pars, dit le roi, ne sera-ce pas la ruine
du grand dessein que j’ai entrepris ?
    — Je demeurerai, Sire, et ferai de mon mieux pour le
poursuivre.
    — Mais vous ferez-vous obéir de Messieurs les
Maréchaux ? Angoulême est hautain, Schomberg, escalabreux et Bassompierre,
si rechignant à ce siège.
    — Il se peut, Sire, que si vous me donnez le
commandement de l’armée et le commandement du camp, il se peut, dis-je, que
chacun de ces illustres chefs soit plus enclin à m’obéir à moi qu’à aucun des
deux autres. Ma robe ne leur portera pas ombrage.
    — Mais où trouverez-vous la force de tout faire sans
moi ?
    — J’y mettrai tout mon cœur, Sire, reprit Richelieu,
d’une voix basse et grave. Sire, je ne me dissimule nullement la difficulté de
ma tâche. Je ne m’estime pas plus que les autres, reprit-il en baissant les
yeux d’un air modeste. J’étais un zéro qui signifiait quelque chose quand il y
avait un chiffre devant moi, mais sans ce chiffre, je ne signifie rien…
    Je fus béant d’entendre Richelieu répéter mot pour mot la
phrase qu’il avait prononcée devant moi dans la carrosse et je compris qu’il
avait alors fait une sorte de répétition de ce qu’il allait dire au roi,
essayant sur moi ce beau morceau de modestie pour savoir comment je réagirais
et comment, en toute probabilité, le roi la recevrait à son tour. Il ne fut pas
déçu.
    — Mon cousin, dit Louis, il va sans dire que les zéros
derrière moi décuplent singulièrement ma force.
    — Rien au monde, Sire, dit le cardinal, avec un
émeuvement qui n’était pas feint, ne pouvait me rendre plus heureux que ce
qu’il a plu à Votre Majesté de me dire à l’instant, même si je pense qu’en sa
grande bonté, elle a exagéré mes mérites.
    — Mon cousin, dit Louis, qui décida de couper court à
ces assauts d’humilité, croyez-vous que vous succéderez à tenir seul ce
siège ?
    — Votre Majesté, reprit le cardinal avec plus
d’assurance qu’il n’en avait montré jusque-là, n’ignore pas que je ne m’attache
délibérément qu’aux entreprises qui peuvent réussir. Et à celle-ci, qui est de
si grande conséquence pour votre royaume, je n’épargnerai ni mes peines ni mes
veilles. Je serais pourtant très déconsolé de ne pas voir Votre Majesté tous
les jours, comme je faisais céans, ajouta-t-il avec un émeuvement qui me parut
bien plus véritable que l’humilité qu’il avait montrée jusque-là.
    — Vous me manquerez aussi, dit Louis sobrement.
    — Sire, je vous enverrai un rapport tous les jours,
lequel sera assez détaillé pour que vous puissiez suivre toutes les péripéties
du siège et me bailler là-dessus vos avis.
    Il y eut alors un long et lourd silence, comme si l’un et
l’autre touchaient du doigt, non sans angoisse, que la séparation envisagée
depuis huit jours allait devenir à la parfin une réalité.
    — Sire, dit Richelieu d’une voix basse et comme
essoufflée, je ne consulte pas mon intérêt en demeurant céans. Je prends le
parti le plus utile à Votre Majesté et le plus dangereux pour moi. Car je
n’ignore pas qu’en me tenant absent de Votre Majesté, je m’expose ouvertement à
ma perte, connaissant assez les offices que la Cour peut rendre aux absents…
    — Mon cousin, dit Louis avec résolution, si à la Cour
on

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