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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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gracieuse, et lui
faisant un petit salut de la tête, je lui dis :
    — Bien le rebours, Madame, j’en ai reçu de fort bonnes,
mais comme elles concernent un tiers, je dois demeurer bouche cousue sur elles,
au moins jusqu’à ce que ce tiers lui-même les apprenne et accepte de les
divulguer.
    Madame de Bazimont eut alors une mine qui m’ébaudit fort.
Elle ressembla à une grosse chatte de qui on approche un bol de lait, lequel on
retire au moment où elle va y tremper ses moustaches. Nicolas, surprenant cette
mimique, réprima avec peine un sourire, ne se doutant guère à cet instant qu’il
était lui-même le tiers dont il s’agissait et que les nouvelles que j’aurais à
lui impartir étaient de si grande conséquence qu’elles pourraient changer sa
vie.
    Il eût été cruel de quitter si tôt Madame de Bazimont après
la petite rebuffade où m’avait contraint sa curiosité. Aussi je quis d’elle une
deuxième tasse de tisane qu’elle me versa avec alacrité, entendant bien que la
soirée n’allait pas s’arrêter là.
    Seule en cette grande demeure tout le jour, privée de la
présence vive et enjouée de Madame de Brézolles, et plus encore peut-être de
celle du maggiordomo qui, tout chenu et branlant qu’il fût, lui faisait
une cour des plus courtoises, j’étais bien assuré que, maugré le gouvernement
du domestique et les devoirs de l’intendance qui lui incombaient, il lui
ennuyait si fort dans le jour que le retour, le soir, de « ses
gentilshommes » était quasiment la seule joie de sa journée. Noulant la
laisser sur un désappointement, j’entrepris alors de lui conter la séparation
du roi et du cardinal – à tout le moins ce que je pensais qu’il fallait
qu’elle en sût – afin qu’elle pût répéter partout qu’ils s’étaient séparés
en très grand dol et amitié, étant unis comme les deux doigts de la main. La
dernière goutte de tisane avalée, je la quittai enfin et, gravissant les
marches de l’étage noble avec Nicolas, je lui dis de me venir visiter dans ma
chambre dans cinq minutes, ayant quelque nouvelle de conséquence à lui
impartir.
    À mon entrant, je vis Perrette, comme à l’accoutumée, assise
sur une petite chaise basse devant le feu qu’elle avait allumé pour moi. Elle
se leva et vint à moi avec vivacité, me fit une belle révérence et, la prenant
dans mes bras, je l’y serrai et lui fis compliment de ce qu’elle sentait si
bon. Elle me dit alors qu’elle avait baigné soi, partie par partie dans ma
cuvette, s’étant séchée ensuite devant le feu, ce qui était délices. Je lui en
fis compliment, ajoutant que, d’après mon père, homme ou femme se préservait
davantage des intempéries par l’eau et le savon que par toutes les drogues du
monde. Quant à moi, je préférais une chambrière qui sentit bon à d’aucunes
grandes dames de la Cour que je pourrais nommer, lesquelles s’arrosaient de
parfum, tout en se vantant de ne s’être pas lavé les mains de quinze jours [42] .
    —  Perrette, dis-je, Monsieur de Clérac me doit
visiter incontinent. Le temps de ce bec à bec, retire-toi dans le cabinet. N’y
fais pas plus de noise qu’une souris et n’écoute pas à la porte, ajoutai-je
avec un sourire.
    — Cela, je ne l’ai jamais fait ! s’écria Perrette
avec feu, et ne le ferai jamais !
    — Et bien le sais-je, dis-je. J’ai toute fiance en toi,
Perrette.
    Là-dessus, rassérénée, elle me sourit, se retira dans le
cabinet et referma l’huis sur elle. Je me demandais si j’allais, en attendant Clérac,
me déshabiller, car mes bottes, d’avoir été portées tout le jour, me doulaient
aux pieds quelque peu. Mais je résolus de n’en rien faire, voulant donner à
cette entrevue une certaine solennité.
    Les cinq minutes écoulées, Nicolas, avec une exactitude
militaire, toqua à l’huis de ma chambre et apparut, habillé lui aussi de pied
en cap, ce qui n’était pas merveille, car il était toujours ainsi quand il se
présentait à moi.
    — Nicolas, dis-je, prends place devant ce feu. La
lettre que j’ai reçue, bien qu’elle me soit adressée, te concerne en son
entièreté et c’est bien le moins que je te la communique, puisque la question
qu’elle pose, c’est à toi, et à toi seul, d’y répondre.
    Nicolas saisit alors la lettre-missive que je lui tendais
et, tandis qu’il s’y plongeait, je pouvais lire sur sa juvénile face les
émeuvements qui l’agitaient : la surprise, la joie,

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