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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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la perplexité. Après
quoi, laissant pendre la lettre au bout de ses doigts, il envisagea le feu,
comme s’il voulait y trouver des réponses aux questions qu’il se posait.
    Quant à moi, pendant un long moment, je ne dis mot ni
miette, voyant bien qu’il branlait fort dans la décision qu’il devait prendre
et pensant qu’il valait mieux ne pas l’embarrasser de mon aide, avant qu’il ne
la réclamât.
    — Monsieur le Comte, dit-il à la parfin, n’est-ce pas
extraordinaire qu’une demoiselle de bon lieu, élevée sans doute avec le plus
grand soin…
    — Oui-da ! continuai-je, avec le plus grand soin,
par une gouvernante qui lui a sans doute appris à baisser les yeux devant un gentilhomme,
à ne pas répondre à ses avances, à ne le jamais envisager œil à œil, à déchirer
ses lettres, s’il écrit. Et si, seulette sur sa couche, il lui arrive
d’éprouver à son propos quelques frissons, à se précipiter le lendemain chez
son curé pour lui confesser ce damnable péché.
    — Vous raillez, Monsieur le Comte.
    — Je raille l’éducation que tu approuves. Mademoiselle
de Foliange a pris la liberté de t’écrire la première. Adonc, elle est
dévergognée.
    — Monsieur le Comte, je n’ai jamais dit que Mademoiselle
de Foliange était dévergognée.
    — Mais tu condamnes sa démarche.
    — Eh bien, dit Nicolas en rougissant, il faut bien
avouer qu’elle est inhabituelle.
    — Les circonstances aussi.
    — Qu’entendez-vous par là, Monsieur le Comte ?
    — Une demoiselle de bon lieu est en train de mourir de
faim pour une foi qu’elle ne partage pas.
    — Certes, dit Nicolas avec feu, je la plains de tout
mon cœur et il m’arrive la nuit de me réveiller tout en larmes, en pensant aux
souffrances qu’elle endure.
    — Tu devrais donc être au comble du bonheur,
puisqu’elle a pensé à toi pour te tirer de sa géhenne.
    À cela, Nicolas, la face toute chaffourrée de doute et de
chagrin, ne sut que répondre et se tint coi. Je fus alors pris de quelque
compassion pour lui, à le voir aussi malheureux, et tout emberlucoqué dans des
contradictions dont, étant si jeune, il ne savait pas se tirer. Je posai alors
ma main sur la sienne, et je lui dis :
    — Nicolas, veux-tu que je t’aide à démêler l’écheveau
de tes pensées ?
    — Ah, Monsieur le Comte, dit-il, j’en serais fort
heureux !
    — Tu te ramentois, Nicolas, que je t’ai conseillé de
n’écrire point à Mademoiselle de Foliange, comme tu en avais eu d’abord le
dessein ?
    — Oui-da, Monsieur le Comte, bien je me ramentois.
    — Mais je ne t’ai pas dit le pourquoi de ce conseil. Le
voici. Après les regards caressants que vous aviez échangés chez Madame de
Rohan, c’eût été bien impertinent de ta part d’écrire à Mademoiselle de
Foliange sans lui demander sa main. Or, tu ne pouvais pas faire cette démarche,
n’ayant à lui offrir pour vivre que ta future et maigrelette solde de
mousquetaire du roi.
    — Monsieur le Comte, je n’ai pas manqué, en effet,
d’entendre que je ne pouvais pas faire cette demande, la demoiselle étant si
haute et moi-même si mal accommodé.
    — Et crois-tu que Mademoiselle de Foliange n’ait pas
bien deviné que pour ne point lui faire la demande dont vos regards,
implicitement, avaient convenu, il fallait que tu sois paralysé par la modestie
de ton boursicot ? Et ne t’ai-je pas dit aussi ce matin même que lorsque l’amour,
chez les dames, prend de la force, il passe fer et feu et saute les
murailles ? Eh bien, voilà qui est fait ! Mademoiselle de Foliange a
sauté les murailles ! Elle t’a écrit ! Et elle t’invite à demander sa
main et prend soin de t’apprendre qu’elle possède en toute propriété trente
mille livres de rente.
    — Monsieur le Comte, ce sont justement ces trente mille
livres de rente qui me restent au travers de la gorge. Pourquoi diantre les
mentionner ?
    — Pourquoi les taire ? Où est le mal ? La
demoiselle est raffolée de toi et, avec un bon sens bien féminin, elle te fait
connaître qu’elle ne te sera pas une charge accablante.
    — Mais pourquoi diantre mentionner ces trente mille
livres ? Cela gâche tout ! J’ai l’impression que je suis acheté et
que l’honneur me défend d’accepter.
    — L’honneur ! dis-je avec vivacité. Quel est donc
ce baragouin ? T’a-t-elle offensé en disant qu’elle est riche ? Je
trouve bien au rebours cette confession bien touchante. Quelle

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