La Gloire Et Les Périls
preuve d’amour elle
te donne, étant assiégée, à faire ton siège pour que tu l’épouses !
— Mais je ne l’ai vue qu’un petit quart d’heure !
Elle ne me connaît pas ! Et je ne la connais pas, non plus !
— Mon pauvre Nicolas, si tu dois attendre la fin du
siège pour la mieux connaître, tu ne la connaîtras plus du tout. Elle aura
disparu de la terre. Mais tu auras, du moins, la consolation d’aller prier sur
sa tombe.
— Ah, quelle horreur ! s’écria-t-il en se levant
de son siège. Sa tombe ! Monsieur le Comte ! Que vous êtes cruel !
Et cachant son visage de ses deux mains, Nicolas se mit à
sangloter son âme. Je le pris alors dans mes bras, lui donnai une forte
brassée, et me demandai si je n’avais pas été un peu brutal en évoquant le
cimetière rochelais afin de lui faire toucher du doigt les conséquences d’un
refus imposé par « l’honneur » . Mais au même instant, il
murmura d’une voix entrecoupée :
— Il me semble, Monsieur le Comte, que vous devez avoir
raison et, tout bien pesé, le seul parti honorable que je puisse prendre
maintenant est de demander la main de Mademoiselle de Foliange.
J’aurais ri à gueule bec, si la situation ne me l’eût pas
défendu. La tombe que j’avais évoquée avait bien rendu son office. L’honneur de
Nicolas avait, en un tournemain, changé de camp…
Je me rassis. Nicolas se rassit aussi, sécha ses pleurs,
demeura coi un moment, puis soudain, il dit d’un air effrayé :
— Mais il reste encore une grande difficulté, Monsieur
le Comte. Comment oserais-je jamais écrire à Mademoiselle de Foliange ?
Mon orthographe est si mauvaise.
Je fus béant de cet enfantillage. Et j’eus bien envie
là-dessus de dauber le coquelet. Mais mon pauvre Nicolas avait déjà tant pâti
en cet entretien que je noulus prolonger son déconfort.
— Par bonheur, dis-je, mon orthographe à moi est
excellente et elle soutiendra la tienne.
— Eh bien, dit-il, que n’écrivons-nous pas cette lettre
incontinent ?
À cela, je me permis enfin de rire à gueule bec.
— De toute façon, Nicolas, la lettre ne partira que
demain et incontinent, comme disait Henri IV, « mon sommeil me va
dormir ». Nous écrirons demain.
Alors, avec mille mercis, il partit, quasiment titubant de
bonheur et se cognant à l’huis au départir.
CHAPITRE VIII
Le lendemain matin, nous nous attelâmes, Nicolas et moi, à
la tâche difficile d’écrire à Mademoiselle de Foliange une lettre qui satisfît
à ses volontés mais qui fût assez bien tournée pour ne froisser point ses
délicatesses. Comme avait si bien dit Nicolas, il était pour le moins
« inhabituel » qu’une demoiselle de bon lieu, fut-elle orpheline,
demandât de soi la main d’un gentilhomme, et la belle n’ignorant pas l’audace
de sa démarche, il était probable qu’elle éprouvait meshui quelque vergogne à
l’avoir accomplie et pourrait bien, si les termes de notre lettre lui
déplaisaient, rejeter la demande en mariage qu’elle avait elle-même sollicitée.
Nicolas, qui, débordant depuis la veille de l’amour le plus
fou, n’avait pas dormi une minute dans la nuit écoulée, eût désiré écrire une
lettre qui exprimât les puissants transports dont il était troublé. Mais je le
mis en garde contre une chaleur d’expression qui brûlait trop cavalièrement les
étapes et tenait la chose pour faite, alors que Mademoiselle de Foliange
possédait encore le pouvoir de dire non.
N’étant pas sans finesse, Nicolas entendit mon propos, et
nous nous mîmes d’accord, approchant nos deux têtes, pour écrire une lettre qui
fût ni trop froide ni trop brûlante. De lui-même, Nicolas trouva un moyen très
adroit pour ménager les susceptibilités de Mademoiselle de Foliange. Reprenant
à son compte la demande de mariage dont il était l’objet, Nicolas priait
humblement la belle de lui accorder sa main (alors qu’elle était déjà dans la
sienne), arguant qu’un « oui » par écrit lui était nécessaire pour
convaincre le cardinal de bailler à Mademoiselle de Foliange un sauf-conduit
qui lui permît d’être admise dans le camp royal.
La Providence veillait sans doute avec bienveillance sur ces
naissantes amours car, un mois plus tard, cette lettre, porteuse du destin de
deux personnes, ne fût pas parvenue à son destinataire, le cardinal ayant
décidé d’interrompre tout courrier entre le camp et La Rochelle, estimant que,
malgré la
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