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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Je fis signe à Perrette de s’aller coucher sous le baldaquin, je tirai
les courtines autour d’elle et quis de mon visiteur d’une voix rude qui il
était, ayant peu de doute de reste sur son identité.
    — Monsieur le Comte, dit la voix de Nicolas, c’est moi,
avec un million de pardons d’oser vous déranger à’steure, mais j’ai une
question à vous poser qui, si elle demeurait sans réponse, me pourrait tenir
toute la nuit en éveil dans les affres et les tourments.
    — À Dieu ne plaise, Nicolas, je vais t’ouvrir.
    Je passai ma robe de chambre et allai l’huis déclore.
    Nicolas entra, pâle et déconforté, et comme je l’envisageai
muet, en levant le sourcil, il dit :
    — Monsieur le Comte, croyez-vous qu’elle se va
mourir ?
    — Mademoiselle de Foliange ?
    — Oui.
    — Qui te le donne à penser ?
    — Elle est fort pâle. Elle ne dit mot. Elle vacille
quand elle marche.
    — Ce sont là, en effet, symptômes d’intempérie, mais la
sienne est connue et curable. C’est la faim. Et dès lors qu’elle sera
satisfaite, la curation sera rapide. Es-tu content ?
    — Pas tout à fait, Monsieur le Comte. Je crains qu’elle
ne m’aime point. De tout le repas, elle m’a à peine envisagé.
    — Elle t’a envisagé plus que tu ne l’imagines. Elle t’a
caressé la joue au départir. Elle eût été plus aimable encore, si la faim ne
l’eût tenaillée. Meshui, Nicolas, un croûton de pain l’emporte sur toi en
attraits : preuve en est qu’elle l’emmène avec elle dans son lit. Mais
c’est un pauvre rival, Nicolas. Il n’est là que pour être croqué. Es-tu
content ?
    — Pas tout à fait, Monsieur le Comte. Le roi a dit
qu’il nous marierait, quand il reviendra céans dans six semaines. Et six
semaines, cela fait quarante-deux jours. Et quarante-deux jours, Monsieur le
Comte, c’est horriblement long.
    — Mais songe que ces quarante-deux jours se changeront
vite en autant de rêveuses nuits. Et quoi de plus confortant qu’un rêve quand
la réalité est au bout ?
    — Et si le roi, Monsieur le Comte, ne revenait pas de
Paris ?
    — Honte à toi, Chevalier ! Tu doutes de ton
roi ? Ce que Louis dit qu’il fera, la Dieu merci, il le fait toujours.
Nicolas, ta couche, en ton absence, s’ennuie. Cours la consoler.
    Là-dessus, je lui donnai une forte brassée, et comme il
s’attardait encore en merciements, je le poussai doucement hors, fermai l’huis
sur moi à double tour, et me défaisant de ma robe de chambre, je rejoignis
Perrette derrière les courtines. Elle était douce et ronde dans mes bras et
comme je la poutounais, je m’aperçus que ses joues étaient mouillées de larmes.
    — Tu pleures, Perrette ?
    — Avec votre permission, je pleure, Monsieur le Comte.
    — Sur quoi et sur qui ?
    — Sur la pauvre demoiselle qui est si belle et si
faible. Je pleure aussi sur votre pauvre écuyer qui est si déconforté de la
voir ainsi. Et pour tout dire, Monsieur le Comte, je pleure aussi sur moi.
    — Sur toi ?
    — Le siège fini, Monsieur le Comte, vous départirez de céans,
me laissant bien seulette.
    — Moi aussi, dis-je après un silence, je serai chagrin
de te quitter. Mais la peine de demain ne doit pas détruire le plaisir de
meshui, et d’autant que le siège n’est pas fini, loin de là. Nous avons encore
devant nous, M’amie, un long ruban de semaines et de mois.
     
    *
    * *
     
    Cette dernière phrase fut, à peu de choses près, celle que
prononça le cardinal le lendemain en un style un peu plus noble lors d’une réunion
qui rassemblait chez lui le duc d’Angoulême, les maréchaux Schomberg et
Bassompierre et aussi Monsieur de Guron, le père Joseph et moi qui étions
présents, mais en qualité d’observateurs silencieux, du moins tant que nos
grands guerriers – auxquels on ne disait pas tout – seraient
présents.
    — Messieurs, dit Richelieu, en s’adressant au duc et
aux maréchaux, vous devez savoir que la commission de lieutenant général des
armées qui m’a été baillée par Sa Majesté à son partement me commande de
presser et poursuivre le siège de La Rochelle par blocus, mais aussi, le cas
échéant, « par batteries, brèches et assauts ». Or avant qu’il
départît pour Paris, j’ai évoqué, devant Sa Majesté, la possibilité d’un
assaut, et Elle a estimé que si nous avions la possibilité de le tenter, ce
serait une bonne chose, le blocus de La Rochelle épuisant, mois après mois,

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