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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de Mademoiselle de Foliange n’avait pas assez de force pour
suivre ce train, il se remit au pas et ce fut à cette allure de tortue que nous
fîmes tout le chemin du Fort de Trasdon au château de Brézolles, sans qu’aucun
de nous ne prononçât mot ni miette.
    Chevauchant à la gauche de la haquenée de Mademoiselle de
Foliange, je la voyais à plein du fait que montant en amazone, c’est-à-dire les
deux jambes entourant la fourche et retombant du même côté de la monture, cette
position la tournait vers moi, tant est que je pus l’envisager à mon aise,
d’autant mieux qu’elle gardait les yeux baissés sur la crinière de sa jument et
demeurait close et coite. Elle était loin d’être tant maigre que les Rochelais
révoltés que je venais de voir, la chère, chez la duchesse de Rohan, ne devant
pas être si Spartiate. Mais elle me parut cependant pâle et languissante et
d’autant que sa belle face ne portait la trace d’aucun pimplochement, sans
doute parce qu’il y avait à La Rochelle grande disette de fard comme de toutes
les autres commodités de la vie.
    À mi-chemin, je m’avisai que Nicolas devait être fort dépité
de ne voir que la nuque de sa belle, sa face étant tournée vers moi, du fait,
comme j’ai dit, de la position de ses jambes. Retenant alors mon Accla, je fis
signe à mon écuyer de prendre ma place, moi-même prenant la sienne à la dextre
de la haquenée. Ce qui se fit en un tournemain, et donna assurément un grand
contentement à Nicolas et aussi à Mademoiselle de Foliange qui continua de se taire,
mais dont les yeux, j’en suis bien assuré, quittèrent, quand et quand, la
crinière de sa jument, étant attirés sur sa gauche par les friands et amoureux
regards de Nicolas : ce qui, de reste, ne nuisit en aucune façon au
management de la haquenée, celle-ci suivant docilement le cheval de Monsieur de
Clérac, quoique à petite et faible enjambée.
    Tant que nous fumes dans le périmètre du camp, la vue de
Mademoiselle de Foliange, si belle sur sa haquenée blanche, et si bien protégée
par ses trois chevaliers, fit éclore partout, chez les passants et les
aregardants, l’admiration et la joie, d’autant que nul n’ignorait dans le camp
qui elle était et pourquoi elle se trouvait là. Nous eûmes bientôt à notre
suite un cortège de soldats, marchands ou valets qui nous suivaient en chantant
nos louanges, tant est qu’on eût pu croire que nous avions sauvé du bûcher
huguenot une nouvelle Jeanne d’Arc. À la sortie de la ville, Monsieur de
Clérac, arrêtant notre cheminement, vint sur nos arrières haranguer poliment
nos admirateurs et les inviter à se retirer, chacun dans sa chacunière,
Mademoiselle de Foliange, à la sortie de ses épreuves, ayant grand besoin de
calme et de repos. À notre grand soulagement, Monsieur de Clérac réussit à
persuader nos suiveurs car nous craignions, par-dessus tout, qu’ils sussent où
Mademoiselle de Foliange allait loger, ce qui eût amené aux grilles du château
de Brézolles beaucoup trop de noise et de remuement.
    Madame de Bazimont, ayant salué Henriette de Foliange en
l’appelant « Mademoiselle », comme il convenait à son rang, fut au
comble de la joie de s’ouïr par elle en retour « madamée » et sur
l’instant conçut une grande amour pour sa visiteuse qui, toute cousine qu’elle
fût de la duchesse, n’était ni haute ni façonnière et, par-dessus le marché,
belle comme les aurores. Elle quit d’elle si elle voulait qu’on lui montrât la
chambre qu’on avait fait pour elle préparer. À quoi, sans hésiter le moindre,
mais cependant le rouge lui montant au front de son audace, Mademoiselle de
Foliange quit d’une voix faible :
    — Madame, pouvez-vous me dire quand on soupe
céans ?
    Cette question naïve eût pu nous faire sourire, mais à nous
ramentevoir la famine dont Henriette de Foliange avait pâti, elle me pinça le
cœur et plus qu’aucun des nôtres, celui de Madame de Bazimont qui, les yeux
mouillés de larmes, dit avec un grand soupir :
    — Monsieur le Comte, avec votre permission, je vais
hâter les cuisines. Et peux-je dire à Luc d’ajouter un couvert pour Monsieur de
Clérac ?
    Je consentis aussitôt et après quelques refus polis,
Monsieur de Clérac, sur mes instances, accepta. Cette invitation, par où Madame
de Bazimont m’avait quelque peu forcé la main, me titilla fort et eût fort
amusé Nicolas, sachant bien la grande amour que Madame de

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