Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
demande qu’à vous aider.
    — Ah ! m’écriai-je, traître ! gentil
traître ! Qu’as-tu à me dire ?
    — Ceci. Dans votre chambre, Monsieur, il y a deux
portes. L’une par laquelle vous entrez et sortez à loisir, l’autre qui est
close à double tour. Celle-ci est la porte de la citadelle. Mais bien sûr, il y
a une clé.
    — Où est-elle ?
    — Dans le coffret que vous voyez là, dit-elle en
relevant le côté de son vertugadin pour me le laisser voir. Ce coffret,
Monsieur, il se peut que par étourderie je l’oublie sur cette chaire quand je
prendrai congé de vous. Il se peut aussi qu’après mon partement, vous
l’emportiez avec vous dans l’honorable intention de me le rendre, et pour cela
que vous essayiez la clé qu’elle contient sur la porte que j’ai dite. Bien
entendu, c’est cet effronté petit traître qui vous confie tout cela. Pour moi,
je n’y suis pour rien. Il se peut même, poursuivit-elle avec un soupir, que
pour punir ce vilain drôle je tire le fort verrou qui se trouve de l’autre côté
de la porte rendant ainsi votre clé tout à plein inutile…
    — Juste ciel, Madame ! Mais ce serait là trahir
votre petit traître ! Et de la façon la plus odieuse ! Et me jouer
aussi à moi le plus cruel tour du monde, puisque après la dernière redoute je
trouverai une autre redoute que je ne saurais franchir !…
    — Pourtant, Monsieur, vous savez qu’il est de bonne
guerre d’échelonner les défenses.
    — Ce le serait, si nous étions en guerre, mais je
tâche, bien au rebours, de nouer avec vous, Madame, les liens les plus doux et
les plus pacifiques.
    — Eh bien, Monsieur, prenez-en la gageure ! Pour
moi, je vais de ce pas disputer avec mon petit traître pour résoudre ce que
nous devons faire : pousser ou ne pousser point le verrou.
    Ce disant, elle se leva. Je me levai aussi et lui fis d’un
air quelque peu froidureux un profond salut.
    — Madame, dis-je, qu’il soit fait selon ce que vous
désirez…
    — Monsieur, dit-elle en ouvrant grands les yeux,
seriez-vous, par aventure, un bel ange du ciel ? Eh quoi ? Point de
rancune ! Point de haine ! Si je me dérobe après vous avoir, il faut
le dire, si effrontément provoqué, n’allez-vous pas devenir violent et
injurieux ? Serait-ce Dieu possible ? Ni juron ? Ni
menace ? Ni paroles sales et fâcheuses ? Vous ne fuirez pas ces lieux
maudits en jurant que de votre vie, vous ne reverrez plus la plus odieuse coquette
de la création, à qui vous garderez, pour cette écorne, une mauvaise dent
éternelle…
    — Mais rien de tout cela, Madame. Vous êtes libre.
Qu’ai-je à dire à l’usage que vous faites de votre liberté ? Je quitterai
ces lieux sans doute avec chagrin, mais sans la moindre acrité ni colère, et en
toute gratitude pour votre hospitalité et le grand privilège que vous m’avez
donné d’avoir eu l’occasion de contempler votre beauté, même si comme celle de
votre aïeule peinte, elle me demeure inaccessible.
    Sur ces mots, Madame de Brézolles m’envisagea derechef
songeusement, et me dit à la parfin d’une voix caressante :
    — Comte, je vous savais vaillant, mais vous avez aussi
beaucoup d’esprit, et ce qui vaut mieux que l’esprit, vous êtes fait d’une
étoffe si humaine et si tendre qu’il serait difficile de ne vous aimer point.
Si j’étais vous, je relèverais le défi que je vous ai lancé…
    Ayant dit, elle saisit un des deux chandeliers qui
éclairaient la table et se dirigea vers l’huis dont le valet, sur son ordre,
avait laissé ouverts les deux battants. Je fis le geste de me lever et de la
décharger du chandelier, mais elle noulut, disant qu’elle voulait gagner seule
son appartement, où l’attendait sa chambrière pour délacer son corps de cotte
et la déshabiller. Je devais donc attendre céans un petit quart d’heure avant
de regagner moi-même ma chambre. Ayant dit, elle quitta la place, le chandelier
au poing, dans un grand balancement de son vertugadin, lequel me fit penser à
un voilier qui prend le large. Ma fé ! Le petit navire arriverait à bon
port, j’en étais bien assuré : le capitaine était si habile !…
    Madame de Brézolles franchit l’huis et enfin disparut. Et
comme le petit salon me parut terne, pauvre, triste et sans attrait quand il
fut devenu orphelin de sa présence ! Et comme me laissait béant
l’émerveillable adresse de la marquise à diriger le jeu, m’ayant fait de prime
les plus

Weitere Kostenlose Bücher