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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dévergognées avances, mais ne me baillant de l’espoir que pour me le
retirer aussitôt, et pour finir, me le redonnant, mais atténué par le doute !
Tant est que je me retrouvai meshui en posture de solliciteur, moi qu’on avait
de prime si hardiment sollicité ! Ventrebleu ! m’apensai-je,
Machiavel n’a rien dit de nouveau ! Le gentil sesso connaissait
d’instinct bien avant lui tout ce que sa lourde science a cru inventer plus
tard.
    Ce qui, à réfléchir plus outre, m’intriguait le plus, c’est
que Madame de Brézolles eût tant précipité les choses. Tête bleue !
Pourquoi tant galoper ? Je ne la connaissais que de la veille, mais dès la
veille, une si charmante connivence s’était établie entre nous que l’issue vers
laquelle nous glissions doucement ne faisait guère de doute. Pourquoi dès lors
courir la poste ? Brûler les étapes ? Galoper à brides avalées ?
Pourquoi tant de hâte ? Où était l’urgence ? On eût dit que Madame de
Brézolles s’était fait un livre d’agenda rigoureux auquel, jour par
jour, heure par heure et minute par minute, elle devait se tenir. Prenant de ma
main dextre le chandelier que m’avait laissé Madame de Brézolles, je saisis de
la main senestre le petit coffret qui me sembla infiniment plus précieux que
s’il avait valu son pesant d’or et, pour le porter plus commodément, je
l’appuyai contre ma poitrine, où, s’il avait été magique, il aurait pu ouïr les
battements de mon cœur. En gravissant l’escalier monumental qui menait à
l’étage noble, il me sembla que l’aïeule de Madame de Brézolles – qui
demeurait belle à jamais dans son cadre d’or – me souriait d’un air
connivent. Je ne sais, à la vérité, si ce sourire était, ou n’était pas dû aux
lumières dansantes des bougies, mais j’en acceptai l’augure.
    Et je me dis aussi que j’étais bien sot, à la parfin, de
trouver la mariée trop rapidement pliable à mes volontés et que je n’avais
diantre pas à faire la fine bouche, si la citadelle se démantelait de soi pour
me donner l’entrant.
    Dans ma chambre, après avoir fermé à deux tours l’huis, je
ne me dévêtis qu’à demi, retirant mes bottes et mon pourpoint, me lavai les
mains et la bouche. Puis non sans émeuvement je retirai du coffret la clé, je
n’oserais dire de l’Éden, craignant ainsi d’offenser par trop le Seigneur, mais
du seul petit paradis terrestre et passager qui soit accessible en ce monde aux
humains. Et je l’introduisis dans la serrure où elle tourna deux fois avec un
silence et une suavité qui me persuadèrent que Madame de Brézolles l’avait fait
huiler depuis mon arrivée, ou mieux encore, l’avait huilée elle-même de ses
douces mains, afin de ne pas éveiller les soupçons de son domestique.
    À mon infini soulagement, l’huis tourna lentement sur ses
gonds et l’ayant reclos aussitôt sur ma chambre, je m’avisai, mais n’eussé-je
pas dû le deviner plus tôt ? que du côté de Madame de Brézolles il n’y
avait pas l’ombre d’un verrou… Je n’avais donc pas à redouter une deuxième
redoute après la première. La place était à moi.
    Ou devrais-je dire plutôt que j’étais à elle ? J’avais
si peu fait pour vaincre et l’ennemie m’avait tant secouru ! Celle-ci, de
reste, ne paraissait rien redouter de mon entrant, étant vêtue de ses robes de
nuit, assise fort à l’aise dans une chaire à bras, étendant douillettement ses
pieds nus aux flammes de la cheminée.
    — Mon ami, dit-elle doucement en tournant vers moi ses
yeux mordorés, comme vous fûtes long !
    — Un quart d’heure, Madame, comme vous me l’aviez
prescrit.
    — Un quart d’heure ? Un siècle, voulez-vous
dire !
    Ému par ce tant aimable accueil, je mis devant elle un genou
à terre et posant sur l’autre genou ses pieds nus, j’entrepris de les caresser.
Ils étaient froids, en effet, et je les réchauffai, non seulement de mes doigts,
mais de mon haleine.
    — Mon ami, dit-elle à la parfin, de grâce, portez-moi
sur ma couche. Je ne sais pourquoi je me sens soudain si lasse.
    C’était façon de dire, car lorsqu’elle me mit les bras
autour du cou pour m’aider à la soulever, son visage se rapprocha de moi et ses
yeux fixés sur les miens brillaient comme des étoiles.
    — Mon ami, dit-elle d’une voix languissante, dès
qu’elle fut étendue, n’éteignez que votre chandelier. Portez le mien sur la
table de chevet. Et de grâce,

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