Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
ayant la
tête aussi ferme que le cœur est tendre.
    Et comme je ne répondais rien, il reprit :
    — Mon fils, est-ce que ce propos vous déplaît ?
    — Nenni, mon père. Rien de ce qui est dit à l’éloge de
Madame de Brézolles n’est susceptible de m’offenser.
    J’envisageai alors mon père avec toute l’affection que
j’éprouvais pour lui, et je lui dis sur le ton du badinage :
    — Monsieur mon père, ferais-je tort à votre pensée en
disant que vous seriez charmé si Madame de Brézolles devenait votre bru ?
Et pourquoi pas, en effet ? Elle est jeune, elle est belle, elle est bien
née et elle a, pour vous citer, la tête aussi ferme que le cœur est tendre. Et
si j’entends bien, même sans l’héritage de son défunt mari, elle n’est pas pauvre.
    — Mais vous ne l’êtes pas non plus. Et vous avez les
faveurs du roi et l’espoir d’un duché. Tant est que vous êtes l’un pour l’autre
un très beau parti. Dès lors, que vous arrête ?
    — Ce « que » est un « qui »  : Madame de Brézolles. Elle me dit qu’elle ne me veut marier que lorsqu’elle
sera certaine que je l’aime à sa suffisance.
    — Que veut dire ceci ? dit mon père en levant le
sourcil.
    — Qu’elle est prudente et quant à moi, je ne veux rien
presser non plus. Ce sentiment est neuf. Je voudrais lui laisser le temps de
croître et de mûrir.
    Je ne dis rien là que je ne pensais, mais ce n’était encore
que la moitié de la vérité, car je voulais aussi, et je voulais surtout, être
éclairé par Madame de Brézolles sur une ou deux choses qu’elle m’avait cachées
et dont l’ignorance me retenait d’avoir pour elle cette parfaite fiance qui est
si nécessaire aux amours naissantes.
    Madame de Brézolles n’emmena avec elle dans sa carrosse que
Monsieur de Vignevieille et ses deux chambrières, et nos adieux, prononcés de
part de d’autre, avec un visage serein, furent si exactement polis que le
jésuite le plus suspicionneux n’y eût rien trouvé à redire. Avec mon père, avec
La Surie, ce furent de fortes et prolongées brassées, des paroles convenues,
des sourires contraints, une joyeuseté de commande. Margot, avant de monter
dans la carrosse paternelle, me fit une profonde révérence, et en réponse, je
tapotai sa joue fraîchelette, mais sans la poutouner, mon père étant si jaloux
de sa belle.
    Les Suisses de mon père – sans compter ses deux
soldats, Pissebœuf, Poussevent, et le cocher Lachaise – n’étaient pas
moins de quinze pour escorter les deux carrosses et la charrette dans laquelle
s’entassaient les bagues, les mousquets, les pétards et les munitions. Quatre
chevaux de trait suivaient, le col libre, la religion de mon père étant qu’un
cheval attelé ne doit pas trotter plus de douze lieues par jour sans être
relayé, et moins de douze lieues, si le chemin est monteux et malaisé.
    Les grilles ouvertes par mes Suisses, lesquels faisaient une
haie d’honneur de chaque côté de l’allée pavée, le convoi s’ébranla, et alors
apparurent quasiment à toutes les fenêtres du château pour le regarder départir
valets, laquais et chambrières, d’aucunes de celles-ci pleurant par peur des
traîtrises et des périls du grand chemin que leur maîtresse allait, se peut,
affronter, si fortement accompagnée qu’elle fût.
    — Eh bien, Monsieur le Comte, dit Nicolas pour me tirer
de ma morose rêverie, nous voilà seuls tous les deux.
    — Comment « tous les deux », Nicolas ?
N’as-tu pas céans une amourette avec une soubrette ?
    — Hélas, Monsieur le Comte, c’est justement une des
deux chambrières que Madame de Brézolles a emmenées à Nantes.
    — Voilà qui est fâcheux et pour toi et pour la
pauvrette. As-tu usé avec elle des précautions que je t’ai dites ?
    — Je n’y ai pas failli.
    — Et tu fis bien. Ce serait pitié que la garcelette ne
tirât de votre heureux commerce que le malheur d’être grosse.
    Par un retour sur moi, je pensai alors à Madame de Brézolles
qui avait, de sa propre et expresse volonté, repoussé bien au rebours lesdites
précautions, aspirant à être mère de mon fait, sans exiger de moi le
mariage : conduite qui, à y réfléchir encore, me laissait béant.
    — Aimais-tu ta soubrette, Nicolas ? dis-je en
voyant sa belle face toute chaffourrée de chagrin.
    — Ma fé ! Je l’aimais prou, et si elle avait été
noble, je l’eusse tout de gob mariée.
    — Te voilà donc aussi

Weitere Kostenlose Bücher