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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dans les peines !
    — Oui-da, Monsieur le Comte, et comme c’est la première
fois que mon cœur est touché, et point uniquement la pauvre bête, je ne sais
que faire.
    Et il ajouta, mi-sérieux, mi-gaussant :
    — Vais-je pleurer ?
    — Nenni ! Nenni ! Selle nos juments,
Nicolas ! Un bon trot jusqu’à Aytré sera la curation, surtout si le roi
nous confie une mission qui occupera nos jours. Nous réserverons alors les
larmes pour les nuits…
    Mais ce n’était là qu’une vanterie de bragard, car la nuit
après le département de mon hôtesse j’eus grand-peine à m’ensommeiller et tombai
alors dans un long pensement de Madame de Brézolles, lequel me fit grand mal.
     
    *
    * *
     
    Il est bien dommage que le cardinal, qui pensait à tout,
n’eût pas pensé à emmener dans ses bagues un historiographe qui eût pu relater
avec précision l’élévation de cette digue célèbre qui fut construite de la
pointe de Coureille à la pointe de Chef de Baie afin de fermer ladite baie et
d’empêcher une flotte anglaise de secours d’entrer dans le port et
d’envitailler les Rochelais. Selon la pensée de ceux qui la conçurent, la
circonvallation des murs devait être poussée jusque dans la mer afin d’achever
d’enfermer sur soi la cité rebelle, et de l’amener par la famine à composition.
    Il est vrai que nous avions sur place un Malherbe, mais
Malherbe n’usait de sa belle rhétorique que pour encenser en vers le roi, la
reine, la reine-mère, le cardinal et même la princesse de Conti. Suivant
l’exemple d’Homère, contant dans l’ Iliade le siège de Troie, notre poète
de cour eût jugé indigne de lui de relater en prose des événements guerriers,
fût-ce même la construction de cette digue pharaonique qui fit l’admiration de
l’Europe, et qui employa de jour comme de nuit des milliers d’ouvriers.
    Faute d’un historiographe, ou à tout le moins d’un Malherbe
qui eût consenti à l’être, la date même où furent jetées dans la vase de la
baie les premières pierres perdues reste douteuse. Les uns assurent que la
digue fut commencée en décembre 1627 et terminée, quatre mois plus tard, en
mars 1628. D’autres, qui, d’après ma propre remembrance, me paraissent plus
proches de la vérité, assurent que ce fut en novembre 1627 que le premier
ouvrier déversa dans la baie la première hotte de pierres. Sans être tout à
plein terminée six mois plus tard, la digue fut déjà assez forte pour tenir, en
mai, en échec la première expédition anglaise.
    Dans la matinée qui suivit le département de mon père et de
Madame de Brézolles, j’allais, comme je faisais tous les jours, assister au
lever du roi à Aytré et le trouvai au lit, mal allant d’un catarrhe qui lui
était chu sur le nez et la gorge, mais la Dieu merci, sans fièvre, comme l’en
assura le docteur Héroard qui achevait de prendre le pouls royal tandis que je
franchissais les balustres.
    — Sire, dit Héroard, il faut que vous demeuriez à repos
deux jours dans votre lit.
    — Et m’allez-vous aussi mettre à diète ? dit Louis
avec quelque mésaise, étant, comme tous les Bourbons, grand mangeur.
    — Point du tout, Sire. Les viandes nourrissent le sang
et le sang est un grand curateur des catarrhes. Sire, fûtes-vous à la chaire
percée ?
    — Berlinghen, montrez ! dit Louis.
    Berlinghen montra et le docteur Héroard eut l’air satisfait
d’un magister qui donne une bonne note à un élève.
    — Bien ! Bien ! Fort bien, Sire ! dit-il
en hochant la tête d’un air approbatif.
    Et Louis parut soulagé de n’avoir point cette fois à
redouter purge ou clystère, médications dont Héroard était prodigue.
    — Toutefois, dit-il d’un air maussade, le nez me coule.
    — Sire ! dit Héroard gravement, laissons-le
couler. C’est une bonne chose : il se purge de soi.
    — Et qui n’attraperait catarrhe céans ? dit Louis,
fort malengroin. L’endroit est, à la vérité, très mauvais. Ce ne sont que
pluies, vents glacés et froidure.
    — La faute en est à l’océan, Sire. Toutefois, en été,
la chaudure n’est jamais excessive.
    — Ah Sioac  ! dit le roi. Te voilà
enfin !
    — Je vous demande mille pardons de mon délaiement,
Sire. Le marquis de Siorac est départi ce matin pour Nantes.
    S’il y eut jamais un sentiment que Louis entendît à
merveille, c’était l’amour d’un fils pour son père. Il avait neuf ans quand
notre bon roi Henri mourut assassiné

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