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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qu’il ne se trompait pas. Je n’en étais pas moins béant,
sachant combien Louis était consciencieux et rigoureux dans l’idée qu’il se
faisait de ses devoirs de roi.
    — Monseigneur, dis-je à la parfin, Sa Majesté n’est
sans doute pas sans apercevoir les conséquences de sa décision. Dès lors,
comment entendre qu’il l’ait prise ?
    — J’ai fait de mon mieux, dit Richelieu, pour le
dissuader. Mais je me suis heurté à un mur. Au point que, lassé de m’ouïr, le
roi a quitté Aytré, et comme vous savez, il s’est installé à cinq lieues de
céans, à Surgères, lequel Surgères, mauvais présage, est déjà sur le chemin de
Paris.
    — À mon sentiment, Monseigneur, dit le père Joseph, il
vaut mieux consentir à son projet avant qu’il ne se fâche davantage contre
vous.
    — C’est qu’il est déjà fort aigri contre moi, dit
Richelieu avec tristesse. Je lui ai écrit à Surgères pour lui dire que s’il
gagnait Paris, je lui demandais la permission de demeurer au camp pour tâcher
d’éviter la débandade. Mais il m’a répondu avec la dernière sécheresse que s’il
partait, « je ne serais pas plus respecté qu’un marmiton… »
    En prononçant ces mots, deux larmes, grosses comme des pois,
coulèrent sur ses joues. Ce n’était pas la première fois que je voyais
Richelieu pleurer et je n’étais pas sans savoir que cet homme d’airain, quand
il était submergé par un émeuvement profond, ne pouvait pas réprimer
l’expression de son chagrin. Je n’ignorais rien non plus des grandes et petites
disputes qui éclataient quand et quand entre le roi et son ministre. Mais
ravaler Richelieu au rang de « marmiton » était assurément la plus
cruelle méchantise que Louis pouvait dire à un grand serviteur de l’État,
« grande âme aux grands travaux sans relâche adonnée », comme avait
si bien dit Malherbe.
    — Monseigneur, dit Monsieur de Guron après un silence,
Sa Majesté vous a-t-Elle dit les raisons qui la poussaient à ce
département ?
    — Oui-da. Il m’a dit qu’il pâtissait prou du climat
venteux et tracasseux de l’Aunis, et qu’il redoutait d’y laisser sa santé. Mais
à cette crainte s’en ajoute une autre bien plus pressante à mon avis. Le
docteur Héroard qui l’a soigné depuis le premier jour de sa naissance,
c’est-à-dire depuis vingt-sept ans, avec un dévouement et une amour
véritablement maternels, est sur le point de le quitter.
    — Le docteur Héroard le quitte ! dit le père
Joseph, contenant avec peine son indignation. Ne peut-il lui commander de
demeurer céans dans son devoir ?
    — Hélas ! dit Richelieu, Héroard obéit meshui à un
autre maître que le roi. Il se meurt. Il est quasiment au grabat et sans ses
remèdes et sans ses soins, le roi se sent perdu.
    Cela me fit grand-peine d’ouïr cette nouvelle. J’aimais et
j’estimais fort Héroard, bien que mon père, fidèle à l’École de médecine de
Montpellier, ne laissât pas de le critiquer sotto voce pour ses saignées
et ses purges, les jugeant plus nocives qu’utiles. Mais, à mon sentiment,
l’important n’était pas là. Louis non seulement aimait son médecin, mais avait
une fiance en lui telle et si grande qu’il le croyait capable de le guérir de
tout, alors même qu’il s’était tiré jusque-là de ses intempéries davantage du
fait de sa jeunesse que des remèdes qu’on lui avait prescrits. Là comme
partout, la foi faisait merveille.
    — Messieurs, reprit Richelieu après un moment de
silence, que me conseillez-vous dans le prédicament où le royaume se
trouve ?
    — Monseigneur, dit le père Joseph, si le roi part
contre votre gré, et sa propre conscience, par ailleurs, le tourmentant, il va
concevoir des remords et ces remords vont se retourner contre vous. Je suis
donc d’avis que vous vous rendiez à Surgères et que, prenant le contre-pied de
ce que vous avez dit jusqu’ici, vous pressiez le roi de départir, sa santé
étant la chose la plus précieuse en ce royaume.
    Bien que je n’eusse voulu en faire la remarque en aucun
cas – le père Joseph étant capucin et détestant fort les jésuites, parce
qu’ils étaient à ses yeux trop mondains – je trouvais qu’il y avait en ses
propos une finesse tout à fait digne d’eux.
    — Qu’en pensez-vous, d’Orbieu ? dit le cardinal.
    — Le père Joseph a parlé d’or, mais dans le cas où sa
suggestion vous agréerait, il me semble que le roi devrait vous

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