La grande Chasse
pris dans le feu nourri de notre propre D.C.A. Les gars de la marine savent tirer. Malheureusement, ils nous gênent beaucoup.
Les Américains attaquent surtout les chantiers de constructions navales. Chacune de leurs bombes est un coup au but. Ces gaillards visent avec une précision diabolique !
Comme nous n'arrivons pas à nous placer ensemble au-dessus du box des quadrimoteurs, j'ordonne le lâcher individuel.
Ma bombe n'explose même pas. En revanche, celles des adjudants Fest, Führmann et Bier font du bon travail. Trois Bœing éclatent en l'air.
Une fois de plus, je vais me fier à mes armes de bord. Dévalant à 45 degrés, je fonce dans un groupe de quelque trente bombardiers. Une rafale qui pénètre dans mon fuselage stoppe net mon élan. Je dégage précipitamment.
Mon appareil a bien quelques trous, mais le moteur continue à tourner rond, les commandes à obéir. Allons-y ! J'attaque de nouveau, presque de face. Ma première gerbe frappe de plein fouet le nez d'un Bœing qui se cabre comme une bête blessée avant de descendre, en une succession de virages trop serrés. Trois mille mètres plus bas, il se désagrège.
Au cours de cette même sortie, l'adjudant Wennecker descend le cinquantième quadrimoteur de l'escadrille. Nous avons maintenant à notre actif autant de victoires que l'état-major et les deux autres escadrilles ensemble. Est-ce seulement la chance ? Je ne le crois pas.
15 mai 1943.
Les Américains reviennent sur Kiel.
Je ne peux décoller qu'avec cinq appareils. Hier, tous nos coucous ont sérieusement écopé.
Nous rejoignons l'ennemi au large de la presqu'île de Saint-Pierre, avant qu'il ait franchi la côte.
De nos cinq bombes, une seule est un coup au but. Un Liberator dérape et fait le grand plongeon.
Après deux attaques manquées, je réussis enfin à placer mes rafales sur un Bœing qui vole sur le flanc du box. Le moteur intérieur droit arrêté, le gros bombardier dégage et, lentement, se glisse dans le milieu de la formation. A ma quatrième passe, je manque d'un cheveu son gigantesque empennage. Un drôle d'animal, cette forteresse volante ! La hauteur de son gouvernail de profondeur correspond sensiblement à l'envergure de mon Messerschmitt. Je commence à m'énerver. Tout ira donc mal, aujourd'hui ?
Tant pis si je dois y laisser ma peau ! Comme je me trouve derrière le box, je vire sec, amorce une chandelle, puis, basculant mon appareil, pique sur une forteresse qui vole en queue. Cette fois, ça y est ! Ses deux moteurs de gauche commencent à fumer. Très vite, l'Américain perd de l'altitude. Bientôt, il est tout seul. Maintenant, je le tiens. Je me colle dans son sillage et me mets à tirer comme un possédé. Son ventre s'illumine de flammes spasmodiques qui finissent par se rejoindre. L'un après l'autre, les dix hommes de l'équipage se lancent dans le vide. Leurs parachutes s'alignent comme à la parade, pendant que la forteresse, traînant un long panache de fumée, roule de plus en plus vite vers le sol. Ce n'est plus qu'une épave désemparée qui sème des débris incandescents avant de s'écraser à l'orée d'un bois.
21 mai 1943.
Aujourd'hui, au-dessus de Héligoland, j'ai encaissé, dès la première attaque, un obus qui sectionne une conduite d'huile. Je suis forcé de lâcher ma bombe au hasard. Péniblement, je regagne notre terrain.
Au large de Wangerooge, le sous-officier Kramer, son empennage emporté, heurte l'appareil de Bier. Encastrés l'un dans l'autre, les deux avions tombent comme une seule pierre.
Au dernier moment, à cinq cents mètres du sol, Bier arrive miraculeusement à dégager son zinc et à le ramener, en vol plané. Mais à l'atterrissage, il capote. L'appareil est en miettes. Et Bier n'a pas une égratignure !
Kramer, lui, a réussi à sauter. Affolé, il ouvre immédiatement son parachute, alors que sa vitesse avoisine encore les 700 km/h. Deux sangles cassent net, la soie ne se déploie qu'à moitié, et le malheureux frappe l'eau avec une violence terrible, à quelques mètres de la plage. On le transporte d'urgence à l'hôpital où les médecins constatent de graves lésions internes.
25 juin 1943.
Je suis complètement vanné, ce matin. Hier soir, nous avons fêté l'anniversaire d'un camarade. Un nombre considérable de bouteilles est resté sur le terrain.
Ce qui n'a pas empêché le téléphoniste de me réveiller vers sept heures.
Ils n'auraient pas pu choisir un autre jour !
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