La grande Chasse
empêche de poursuivre le massacre. Au bout d'une demi-heure, nous rompons le contact, en décrochant vers le sud.
En atterrissant, j'apprends que l'adjudant Raddatz s'est abattu, en flammes, sur une petite plage. Il n'a pas eu le temps de sauter.
25 février 1944.
Sans répit, Américains et Anglais poursuivent leur attaques massives sur les villes allemandes. Jour et nuit, les sirènes font entendre leur ululement sinistre. Comment le pays supplicié trouve-t-il encore la force de tenir ?
Pour nous, les « concentrations ennemies dans Dora-Dora » sont devenues le leitmotiv de notre existence. Une existence terrible ! Les farceurs les plus incorrigibles sont à présent graves, tendus, inquiets.
Chaque matin, nous nous préparons en silence. L'un après l'autre, nous nous isolons au « petit coin ». Dora-Dora affecte jusqu'aux fonctions intestinales.
Aujourd'hui, nous avons grimpé jusqu'à 10 000 mètres. C'est l'altitude idéale pour dégringoler sur les bombardiers, pour surprendre leur escorte.
— Les voilà ! Je les vois, annonce la voix claire de Specht.
— Victor, Victor ! (Compris, compris), répond aussitôt le contrôleur.
A 2 000 mètres en contrebas, six ou sept cents forteresses, avec leur couverture de chasse, volent majestueusement vers l'est.
Déjà, Specht dérape sur l'aile gauche. A sa suite, nous plongeons à l'attaque.
Tout en surveillant mon piqué, je déverrouille mes armes, allume le collimateur, fouille d'un regard machinal le ciel derrière nous.
Seigneur ! Une nuée de Thunderbolt dévale du soleil et se lance à notre poursuite.
Encore une fois, ils arriveront trop tard. Mes rafales claquent dans l'aile d'une forteresse — zut ! je voulais atteindre le poste de pilotage — et je passe, laissant derrière moi le bombardier blessé à mort qui se met déjà en vrille.
Un rapide 180 degré, pour faire face aux chasseurs ennemis. Diable ! Ils sont déjà là, et derrière moi. Cela devient sérieux.
Après quelques zigzags, je lance mon coucou dans cette spirale ascendante en tire-bouchon qu'aucun Thunderbolt n'a encore pu imiter. Me voilà débarrassé de ces frelons furieux, du moins pour quelques instants. Comme je surveille le chassé-croisé qui se déroule sous mes ailes, je vois grimper jusqu'à moi le zinc de Wenneker. Il se place à côté de moi, balance ses plans — bon sang, s'il a quelque chose à dire, pourquoi ne se sert-il pas de sa radio ? — puis, se rapproche encore davantage. Par la vitre, je vois Wenneker me montrer quelque chose en bas, juste au-dessous de nous. J'incline mon coucou et regarde. Quatre Lightning qui, manifestement, ne nous ont pas aperçus. Allons-y !
Ensemble, nous dérapons pour piquer sur les Américains dont les plans brillent au soleil.
Mon supplément de vitesse m'emporte au-delà de la cible. En l'espace de quelques secondes, je me trouve devant un des Lightning, en excellente position pour me faire tirer comme un lapin.
Ça, par exemple ! Un novice ne s'y serait pas pris plus mal.
En vitesse, je repousse le manche dans le coin gauche, dérape, dégage par une vrille serrée. L'appareil tremble et embarde sous l'effet de la vitesse terrifiante. Du coin de l'œil, je vois les rivets sauter des ailes. Il faut redresser, mettre fin à cette chute infernale. Doucement, très doucement, je tire sur la profondeur. Une main monstrueuse me tasse sur le siège, m'enfonce le menton dans la poitrine. Mes yeux se voilent... puis, progressivement, l'appareil reprend un angle plus normal.
A ce moment précis, un Lightning en flammes tombe comme une pierre à une centaine de mètres sur ma droite. Je sursaute en entendant la voix de Wennecker dans mes écouteurs :
— Je l'ai eu, celui-là !
Quelques secondes plus tard, il vient me rejoindre.
— Il ne l'a pas volé, le gaillard. Ce culot ! Il avait la prétention de vous épingler !
Par la vitre, je fais le geste de lui serrer la main. C'est la seconde fois que Wennecker me débarrasse d'un Ricain qui voulait ma peau.
8 mars 1944.
L'escadre fond à vue d'œil. Des vétérans, il ne reste que Wennecker et Johnny Fest. Il y a quinze jours, nous étions encore quarante. Aujourd'hui, nous ne sommes plus que huit. Et sur ce petit nombre, deux ou trois sont des gamins qui manquent totalement d'expérience.
Aujourd'hui, j'ai eu un appareil gravement endommagé. J'ai dû me poser sur le ventre, poursuivi, le long de la piste, par l'ambulance et la voiture-pompe.
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