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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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absolue et indifférenciée.
    Il n’est pas question cependant d’en arriver à affirmer que Dieu est une femme. Dieu n’est pas plus femelle qu’il n’est mâle (en dépit de l’imagerie puérile si répandue du Dieu père). Dieu est. Si Dieu est le Tout, il ne peut être séparé, coupé, puisque tel est le sens originel du mot sexué : cette « coupure » est le propre des créatures, issues de Dieu mais projetées en dehors de lui dans une existence autonome et nécessairement imparfaite, c’est-à-dire, au sens strictement étymologique, non encore achevée, non encore parvenue à sa plénitude. Dieu n’est donc pas femme puisque cette affirmation serait restrictive. Par contre, la féminité est en Dieu, ce qui ne veut pas dire, dans la pensée chrétienne tout au moins, qu’on puisse supposer l’existence d’une déesse, celle-ci étant hiérarchiquement inférieure. La Vierge Marie n’est donc pas la Grande Déesse des religions qui ont précédé le christianisme, mais dans l’inconscient collectif elle en a pris la succession , surtout sur le plan de la représentation concrète.
    Ces distinctions sont subtiles, mais elles permettent de mettre en lumière l’importance d’une conception, remontant à la nuit des temps, d’une composante féminine divine, prenant tantôt l’aspect d’un personnage anthropomorphique, demeurant tantôt à l’état de pure abstraction. « Cette existence d’un grand Principe féminin universel, vierge et fécondateur, Matrice originelle de toutes choses, est d’une logique rigoureuse pour ceux qui sont familiarisés avec les lois d’analogie qui forment la base de l’harmonie éternelle 14 . » En un sens, ce grand Principe féminin peut être assimilé à la Hylè des philosophes grecs, mais revêtue d’une coloration néoplatonicienne. « Les alchimistes avaient donc infiniment raison lorsqu’ils enseignaient que pour obtenir la Pierre philosophale il faut se procurer la Hylè du monde, le Latex primitif des choses qui a porté le Verbe dans son sein 15 . » Le mot latin materia , qui désigne ce que nous appelons la « matière », n’est-il pas bâti sur le mot mater, la « mère » ? Dans ces conditions, « la Vierge étant la première-née des œuvres de Dieu, et formée avant les temps, son existence ne pouvait se borner à la courte période évangélique : il n’est donc pas extraordinaire qu’elle fût connue sur terre dès le commencement, et bien avant sa manifestation terrestre 16  ». La Galiléenne Miriâm existait avant l’aube des temps dans la pensée de Dieu, et ce n’est pas du fait des hasards de l’histoire que, selon la tradition chrétienne, la Vierge Marie est censée avoir vécu à Éphèse, principal sanctuaire de la Déesse des Commencements.
    Il ne faut en effet pas négliger que le concept de divinité mère est lié à la matière , donc à la Terre, et que par conséquent cet aspect tellurique provoque obligatoirement des localisations à des endroits supposés favorables à une relation privilégiée entre la mère et l’enfant, entre le « créateur » quel qu’il soit et la créature. À Delphes, le sanctuaire de la Grande Déesse, sanctuaire souterrain, matriciel , se trouvait marqué par l’ omphalos , le nombril du monde. Il ne pouvait en être autrement, et tous les sanctuaires de la Déesse antique, comme ceux de la Vierge Marie du christianisme, sont, d’une façon ou d’une autre, en étroite corrélation avec un lieu offrant certaines caractéristiques féminines : grotte ou chambre artificielle (utérus), tertre naturel ou artificiel (ventre de femme enceinte), source jaillie des profondeurs (lait maternel). En fait, même si l’impact symbolique de ces lieux est évident, il ne s’agit pas tellement d’une tradition culturelle : ce sont, dans la plupart des cas, les lieux eux-mêmes qui provoquent l’établissement ou l’édification d’un sanctuaire.
     
    Les peuples de la préhistoire, qu’on a trop tendance à considérer péjorativement comme des « primitifs », possédaient en effet des connaissances, perdues aujourd’hui, ou volontairement ignorées, sur ce que l’on appelle maintenant la géobiologie, c’est-à-dire l’étude des vibrations propres à un lieu et de leur influence non seulement sur le comportement physique des êtres vivants mais encore sur leur psychisme, pour ne pas dire leur spiritualité. Certes, ces connaissances ne pouvaient guère

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