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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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lamenter sur le cadavre d’Attis, on verra Marie tenir sur ses genoux le corps de Jésus lors de la descente de croix. Ainsi apparaissent les nombreuses pietàs répandues dans le monde chrétien, dont celle de Villeneuve-lès-Avignon, actuellement au musée du Louvre, est l’exemple le plus connu, et aussi le plus émouvant avec le visage intensément triste, infiniment douloureux, mais également infiniment tendre et résigné de la Vierge dont les mains jointes adressent au ciel l’ultime prière pour que le Fils soit admis dans la demeure du Père. Quelle est la femme qui n’a pas été, au moins une fois dans sa vie, et pour des raisons diverses, une Mater dolorosa  ?
    Mais ces représentations populaires, à l’usage de tous les fidèles, ne dispensent pas des interprétations plus intellectuelles, pour ne pas dire ésotériques du thème de la Vierge Theotokos . Ce n’est pas seulement la Mère sublime, mais néanmoins humaine, de Jésus qui est honorée dans ces figurations plastiques, statues, bas-reliefs, gravures, peintures ou enluminures, mais l’antique détentrice de la souveraineté sur l’univers, la cause première de toute existence, et cela bien avant la manifestation du Verbe qui, selon l’Évangile gnostique de Jean, était dans le principe (et non pas dans le commencement ) du monde des relativités concrètes. L’art du Moyen Âge est le reflet d’une pensée, et cette pensée, malgré la pesanteur du dogmatisme romain, est loin d’être univoque. Même si elle ne cesse d’être consolatrice, voire lénifiante , la Vierge médiévale transmet plus que jamais un message, remontant à l’aube des temps et se manifestant parfois par des spéculations dites hérétiques ou même par des aberrations fantasmatiques, à savoir le concept d’une création permanente qui ne peut être que de nature féminine. Si Marie a été réellement la génitrice du divin en tant que « mère porteuse », elle ne pouvait être que l’incarnation d’un concept préexistant devenu incompréhensible, incommunicable et indicible, qui apparaît à travers les différents mythes concernant la création du monde.
    C’est ce qui émane de la tradition chrétienne elle-même, en ce qu’elle puise dans l’Ancien Testament. « Je fus créée dès le commencement et avant les siècles », selon l’Ecclésiaste ; un passage des Proverbes est encore plus précis : « Adonaï m’a possédée au commencement de ses voies avant qu’il eût fait aucune chose dès le principe. J’ai été principiée dès les siècles, au commencement, avant que la terre fût. Les abîmes n’étaient pas encore et moi, j’étais déjà conçue, et les fontaines des eaux n’avaient pas surgi, et avant les collines, j’étais déjà enfantée » (8, 22). Les imagiers du Moyen Âge, détenteurs d’un savoir transmis plus ou moins de façon occulte depuis la nuit des temps, ont su exprimer cette notion d’antériorité de Marie-Miriâm. Les théologiens n’ont pas dit autre chose. C’est ainsi qu’Anselme de Canterbury écrit dans son De excellentia Virginis (chap.  IX) : « De même que le Seigneur, en créant toutes choses, est leur souverain, Dominus omnium , de même la Vierge, en réparant toutes choses par les mérites, est la Mère et la Maîtresse de toutes choses, Domina rerum . » Et, sur ces notions traditionnelles, Grillot de  Givry peut se permettre ce commentaire qui est en fait une constatation : « Dieu se servit donc pour incarner son Verbe de ce grand Principe féminin universel qui avait déjà reçu l’Esprit de Dieu en son sein lors de la création du monde ; il le concentra et le circonscrivit sous la forme d’une créature humaine qui fut Marie [car] seule l’épouse du Père avant les temps était digne, en effet, de devenir la mère du Verbe 63 .
    C’est dans ce contexte qu’il convient d’examiner l’étrange « Chasse à la Licorne », bas-relief du XIII e  siècle qui se trouve dans l’église primatiale Saint-Jean de Lyon. On y voit en effet un chasseur poursuivant une licorne qui vient se réfugier aux pieds de la Vierge. Mais cette représentation a un double sens : d’une part, la Vierge accueille la licorne pour la protéger ; mais d’autre part, l’aspect phallique et surnaturel de la corne de l’animal fabuleux évoque nécessairement une union sexuelle d’ordre mystique . On est ici en présence de l’illustration parfaite du concept de la Vierge qui,

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