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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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à l’aube des temps, reçoit l’Esprit divin, bien avant de devenir matériellement la Mère de Dieu. Et cela, malgré l’inquiétante présence du chasseur qu’on peut considérer comme l’Esprit de négation, le vieux Satan qui lutte perpétuellement contre le Dieu de lumière. Le thème est assurément gnostique et, tout au long du Moyen Âge, il se développera dans l’iconographie, se chargeant souvent d’éléments alchimiques ou influencés par l’occultisme : l’aboutissement, quelque peu laïcisé, en sera la célèbre tapisserie de la Dame à la Licorne, l’une des œuvres maîtresses exposées au musée de Cluny, à Paris.
    Si la Vierge est pénétrée, dès l’origine, de l’Esprit divin, elle joue inévitablement un rôle sacerdotal. Ayant reçu les pouvoirs, elle peut, dans une certaine mesure, prendre la place du prêtre à l’autel et célébrer elle-même le sacrifice : c’est ce que représente un magnifique tableau de l’école d’Amiens, datant de 1437, Le Sacerdoce de la Vierge , conservé au musée du Louvre. Mais ce n’est pas l’hostie qu’elle consacre, c’est tout simplement son Fils qu’elle tient de sa main gauche, tandis que celui-ci, de sa main droite, saisit le rebord de sa chasuble. Cette étonnante scène sera reprise beaucoup plus tard, de façon plus classique, par Ingres dans sa Vierge à l’hostie , également au musée du Louvre. Là, le dépouillement est total, et le visage de Marie, avec ses yeux mi-clos fixés sur l’hostie vers laquelle convergent toutes les lumières du monde, indique assez nettement la volonté du peintre de rattacher le culte de la Vierge Marie aux traditions préchrétiennes de la déesse mère, divinité primordiale d’où émane l’énergie qui se répand sur l’univers. Cette même idée se retrouve dans le célèbre Buisson ardent de la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix-en-Provence, attribué à Nicolas Froment. La Vierge, portant son enfant sur ses genoux, est en effet entourée par les ramures comme par une couronne de flammes. Ce n’est ni plus ni moins que l’image de la divinité solaire, telle qu’elle apparaît dans les différentes mythologies nordiques, en particulier chez les Scythes et les Germains. Il est vrai que le Moyen Âge chrétien se termine dans une grande ambiguïté, marquée par un évident retour à une sorte de « paganisme » humaniste qui triomphera pendant ce qu’on appelle la Renaissance et qui perdurera, parfois très discrètement, jusqu’à nos jours.

L’éternel retour de la femme divine
    Du XVI e au XX e  siècle
     
     
    La redécouverte de l’Antiquité gréco-romaine en France, à partir du début du XVI e  siècle, en mettant en valeur l’harmonie extérieure et la perfection des formes, a largement contribué à humaniser davantage l’image de la Vierge. Les souvenirs d’Athéna, de Héra et même d’Aphrodite-Vénus affluent derrière les sages vêtements dont on pare la Theotokos. Mais il s’agit d’une formulation et non d’un changement d’attitude dans la façon de concevoir la Mère divine. La Nativité de Jean Courmont, exposée au musée du Louvre, est l’exemple caractéristique de ce retour à l’humanisme, avec toutes les exagérations que cela suppose. Le décor architectural est baroque, tourmenté, tortueux, le ciel littéralement encombré par une foule de petits anges qui ressemblent fort aux amours qui entouraient Vénus, et la Vierge n’occupe plus le centre du tableau : l’événement dépeint ici est un événement humain, comme tant d’autres, le surnaturel découlant de cette présence insolite des anges, ce qui d’ailleurs place l’œuvre aux limites du ridicule. Cet amalgame résultant de la confrontation entre l’Antiquité païenne et la mystique chrétienne est encore plus saisissant dans un tableau d’Antoine Caron, La Sibylle de Tibur , également au musée du Louvre : la scène est purement terrestre, tout y est agencé pour figurer une cérémonie en l’honneur d’une déesse, qui se manifeste d’ailleurs dans une statue de femme dénudée au centre d’une fontaine. L’eau jaillit des seins de la femme et une sorte de soleil rayonnant est posé sur sa tête. Manifestement, il s’agit d’un culte rendu à la Déesse solaire dispensatrice de l’eau et du feu. On ignore ce qui se passe dans le petit temple situé au fond. Mais, au premier plan, la sibylle, en vêtements fort chastes, prophétise et désigne une partie

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