La grande déesse
révélée 65 . » Il y a donc miracle, et l’endroit de l’invention devient un lieu sacré où l’on accourra en pèlerinage. Ainsi s’expliquent d’ailleurs les nombreuses appellations telles que « Notre-Dame-des-Orties », « Notre-Dame-du-Roncier », qui témoignent du lieu d’origine.
Mais le surnaturel a des limites, et l’Église s’en méfie. Non seulement elle hésite à reconnaître tel ou tel prodige remontant à des époques lointaines et qu’il est impossible de vérifier, mais elle préfère rationaliser ce genre de découvertes. C’est ainsi que bien souvent, la statue miraculeuse est dite avoir été rapportée d’Orient par un pieux personnage ou par un roi. C’est le cas au Puy-en-Velay, et dans bien d’autres sanctuaires célèbres de la chrétienté. Ou bien encore, comme à Sainte-Anne-d’Auray, on explique la découverte d’une antique statue par la présence oubliée d’une chapelle détruite que l’on affirme être chrétienne, mais qui, à l’analyse, ne peut être qu’un sanctuaire païen. Le processus de récupération, mis en avant par saint Augustin, joue à fond, d’autant plus que tout le monde y trouve son compte, population et clergé, pèlerins et marchands. Au Moyen Âge, les lieux de pèlerinage ont été des centres économiques importants au même titre que des centres d’édification religieuse, et l’on sait qu’il en est de même de nos jours.
Le Puy-en-Velay est certainement l’un des plus anciens sanctuaires que l’on connaisse en France dédié au culte marial. Une tradition locale raconte que, dans un temps lointain non précisé, une femme atteinte de fièvre aurait été invitée en songe à aller s’étendre, pour obtenir la guérison, sur un dolmen situé sur le flanc sud du mont Anis. Ayant accompli le rite demandé, elle aurait alors entendu un ange lui déclarer : « L’auguste Mère du Sauveur, entre tous les lieux du monde, s’est choisi celui-ci tout spécialement afin d’y être honorée et servie jusqu’à la fin des siècles. » Et la femme fut guérie de sa fièvre. En souvenir de ce miracle, on éleva un sanctuaire sur cet emplacement, qui, après bien des transformations et aménagements, est devenu l’admirable cathédrale romane que l’on sait, aussi célèbre pour son architecture que pour l’importance du pèlerinage qui s’y tient le 15 août de chaque année.
Toute légende est significative, mais il faut lire entre les lignes. La ville du Puy-en-Velay se trouve sur les flancs du mont Anis et portait, à l’époque gauloise, le nom d’Anicium. Anis et Anicium se réfèrent incontestablement au nom de la grande reine celtique, Anna ou Dana, ce qui veut dire qu’à cet endroit était honorée, depuis des temps immémoriaux, la Déesse des Commencements. Anicium était le centre religieux du peuple des Vellaves, mais lorsque les Romains occupèrent la région, ils établirent leur capitale un peu plus loin, à Ruessio, aujourd’hui Saint-Paulien. C’est au moment de la christianisation que ce centre se déplaça pour revenir à Anicium, qui prit alors le nom de Podium , devenu Le Puy. Il s’agit ici d’un exemple remarquable de succession de cultes, succession qui s’est effectuée sans aucun problème, comme s’il était normal que l’Anna celtique devînt la Vierge Marie, puisqu’elle représentait, surtout dans la piété populaire, la même entité divine. Et ce n’est pas sans raison que la statue qui domine actuellement le mont Anis porte le nom de Notre-Dame-de-France car, depuis Charlemagne, la plupart des souverains sont venus en cet endroit rendre hommage à la Theotokos , y comprist Saint Louis qui y apporta, dit-on, une Vierge noire qu’un émir égyptien lui aurait offerte, statue qui fut brûlée à la Révolution, en 1794, et remplacée ensuite par un groupe qui semble n’avoir guère de rapport avec l’original. Quoi qu’il en soit, cette nouvelle statue de 1844, qui contient, paraît-il, un morceau de l’ancienne, prolonge l’antique dévotion à la Mère divine dans un grand élan de ferveur jamais démenti.
Un autre lieu de pèlerinage probablement aussi ancien que Le Puy-en-Velay est Chartres, si bien remis à l’honneur depuis le célèbre poème de Charles Péguy. Il semble que l’origine du culte marial se situe ici dans la crypte de la cathédrale actuelle, où se trouvaient un puits, appelé « puits des saints Forts », et surtout une Vierge noire dite
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