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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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Notre-Dame-de-Sous-Terre, brûlée en 1793 et remplacée, depuis 1856, par une œuvre qui ressemble de fort loin à ce qu’on sait de l’ancienne. À la fin du Moyen Âge, en 1497 très exactement, pour éviter à la foule des fidèles de descendre dans la crypte, on mit en place une autre statue dans la nef, statue dite Notre-Dame-du-Pilier. La cathédrale, telle qu’on la voit aujourd’hui, et qui est un des chefs-d’œuvre de l’art ogival, a été précédée par deux sanctuaires successifs : une basilique du IV e  siècle, adossée au mur romain de l’oppidum, qui fut détruite par le feu en 743, et une autre, de style carolingien préroman, qui fut incendiée en 1020.
    Selon une tradition locale, la crypte représenterait un ancien sanctuaire préchrétien où les druides auraient honoré la Vierge bien avant sa naissance : elle serait venue de Palestine pour les bénir et leur demander de construire un temple où elle serait toujours présente. Et l’on raconte que lorsque les premiers évangélisateurs de Chartres, saint Savinien et saint Potentien, ou leurs disciples Altin et Édoald, vinrent de Sens pour y implanter la nouvelle religion, ils découvrirent un édifice contenant une statue qui portait cette inscription : Virgini pariturae , dédicace typiquement romaine qui signifie « À la Vierge sur le point d’enfanter ». À priori, cette légende semble logique et témoigne d’une certaine réalité. Chartres, qui se nommait alors Autricum , était une sorte de forteresse-sanctuaire comme il en existe tant sur tous les territoires autrefois celtiques, et se trouvait dans le pays des Carnutes (d’où provient le nom même de Chartres). Or, on sait, grâce à Jules César, que c’est sur le domaine des Carnutes que s’étendait la grande forêt dans laquelle se réunissaient une fois l’an les druides de toute la Gaule. C’était en somme le grand sanctuaire central de tous les peuples gaulois. Dans ces conditions, pourquoi ne pas supposer que les druides aient établi en cet endroit un culte privilégié à la déesse mère ?
    En fait, ce n’est pas si simple, et un problème se pose : la statue qui était l’objet de la soi-disant vénération des druides était, d’après un document de 1609, une Vierge à l’Enfant, ce qui est nettement contradictoire avec la notion de Virgo paritura , le deuxième terme étant un participe futur signifiant « sur le point d’enfanter ». Logiquement, cette statue aurait dû représenter une femme enceinte. De plus, on sait très bien que les druides ne représentaient jamais une divinité sous une forme humaine : la statue en question ne pouvait être que gallo-romaine. Il faut donc admettre que la statue brûlée en 1793 était non pas une copie, mais un faux . D’autres documents du XVII e  siècle, qui font mention de la tradition locale, précisent que la dédicace se trouvait non pas sur la statue, mais sur le socle.
    Il semble bien que la légende de la Vierge gauloise ait été répandue au cours du IX e  siècle par le chapitre de Chartres qui supportait assez mal la concurrence du pèlerinage du Puy-en-Velay et voulait à tout prix prouver l’antériorité d’un culte marial en pays chartrain. Ce ne serait pas le seul exemple de ce genre, et cette légende inventée servait non seulement à assurer la prospérité du clergé, mais à conforter la population dans sa ferveur envers la Mère divine. Quoi qu’il en soit, le sanctuaire de Chartres a été bâti sur un lieu sacré depuis la plus haute Antiquité, un de ces nemeton dont le territoire gaulois était si riche. Il ne s’agissait pas d’un mensonge, ni même d’une escroquerie, mais d’une simple récupération d’un thème religieux récurrent.
    La tradition chartraine, populaire et cléricale à la fois, signale que la fameuse statue se trouvait dans une grotte. Cela a provoqué bien des rêveries sur les souterrains de Chartres : on a ainsi imaginé des temples secrets, des saints des saints réservés à des initiés qui en connaîtraient seuls les entrées dérobées. Le mystère excite toujours les spéculations. En fait, et sans recourir aux fantasmes les plus délirants, on peut très bien supposer qu’il a existé à l’emplacement de la cathédrale de Chartres un monument mégalithique du type dolmen à couloir. Ce ne serait pas la première fois qu’une église chrétienne aurait été bâtie sur un sanctuaire gallo-romain, lui-même érigé

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