La grande déesse
au-dessus d’un mégalithe. On sait que le puits qui est dans la crypte avait une ouverture carrée, ce qui indique une origine gallo-romaine. Or, le puits – ou la source – est inséparable de la grotte où est vénérée la déesse mère (et accessoirement où elle apparaît). Le fanum ne faisait que remplacer un dolmen antérieur, effondré ou détruit. Mais si on accepte cette hypothèse, elle en amène une autre : il reste toujours quelque chose de l’ancien édifice, soit qu’on se serve des matériaux, soit qu’on tienne à en garder une partie considérée comme sacrée, et il est fort possible que l’image primitive n’ait été qu’un simulacrum , autrement dit une gravure mégalithique comme il en existe tant dans les cairns, notamment dans ceux qui subsistent, non loin de Chartres, à Changé-Saint-Piat, dans la vallée de l’Eure. Car ces gravures mégalithiques présentent toujours, sous une forme symbolique, la déesse protectrice des défunts, donc une divinité féminine détentrice de la vie et de la mort. Ce serait donc cette ancienne gravure, ce pétroglyphe remontant au néolithique, qui aurait été à l’origine d’un culte féminin à Chartres avant d’être transposé sous la forme de la Vierge à l’Enfant. Et bien entendu, ce lieu sacré est guérisseur . On prétendait que Fulbert, le bâtisseur de la cathédrale, avait été guéri du mal des ardents par l’eau du puits : c’est à partir de ce moment que les malades affluèrent à Chartres dans l’espoir que la Vierge les soulagerait de leurs maux. Tout concourait à cette affluence, puisqu’on ajoutait à l’ aura merveilleuse du site la présence de la « tunique de la Vierge », offerte en 861 par Charles le Chauve. Si la cathédrale de Chartres recèle des trésors artistiques, elle comporte également bien des mystères, et on ne peut nier qu’il s’agisse d’un des lieux les plus forts où se manifeste la dévotion à Notre-Dame 66 .
Un troisième pèlerinage marial a été célèbre au Moyen Âge, celui de Rocamadour (Lot), qui est actuellement un site touristique exceptionnel. Il s’agit de l’antique Vallis tenebrosa , la « vallée ténébreuse », un à-pic de deux cents mètres qui s’ouvre brusquement dans le Causse, avec un château fort au bord de l’abîme, un bouquet d’églises et de chapelles sur le flanc du roc et, plus bas, un village médiéval. Au fond de la vallée, l’Alzou, qui est peut-être la « rivière des aulnes », serpente dans l’emplacement d’une ancienne forêt. Non seulement on se déplaçait en foule à Rocamadour pour honorer la Vierge, mais on y envoyait de partout des gens reconnus coupables par les tribunaux ecclésiastiques, chargés de fers, pour y faire pénitence. C’est même là qu’Henry II Plantagenêt, à genoux devant son armée, dut accomplir les rites nécessaires pour expier le meurtre de Thomas Becket.
Il y a une Vierge noire à Rocamadour. C’est une statue de Vierge en majesté de la fin du XII e siècle, noircie et assez grossièrement taillée, partiellement revêtue de lamelles d’argent, assise sur un bloc évidé en reliquaire. La tradition affirme que le publicain Zachée aurait apporté dans ce causse du Quercy une statuette sculptée par saint Luc. En fait l’origine du sanctuaire ne semble pas due à la présence d’une statue. En 1166, on découvrit à l’entrée d’une chapelle dédiée à la Vierge Marie un corps en parfait état de conservation. Pour des raisons assez obscures, le peuple y vit la dépouille d’un mystérieux saint Amadour qui aurait donné son nom à l’endroit. On ensevelit ce « saint » devant l’autel de la Vierge, et une autre légende se répandit selon laquelle Amadour aurait été l’époux de Véronique, celle qui essuya de son voile le visage du Christ. Mais au XVI e siècle, Amadour fut simplement assimilé à Zachée, ce qui permettait de faire coïncider les deux traditions. Il est inutile de préciser qu’Amadour, pas plus que Véronique et Zachée, ne figurent au calendrier de l’Église romaine.
On sait maintenant que l’ermitage de Rocamadour existait bien avant la découverte du corps du « saint ». La chapelle primitive était uniquement dédiée à la Vierge Marie, et on a conservé une cloche dite miraculeuse dont la fabrication est antérieure au VIII e siècle. De plus, une légende populaire locale prétend qu’on faisait autrefois en cet endroit des
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