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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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 siècle va figer l’image de la Vierge selon des normes imposées. On pourrait prétendre que cette représentation officielle, catholique au sens d’universelle, provient des « visions », pour ne pas dire « apparitions », survenues dans la période qui, dans une sorte de Contre-Réforme destinée à lutter contre le scepticisme du siècle des Lumières et l’athéisme de la Révolution, a provoqué, consciemment ou non, une résurgence codifiée du concept de la Mère divine. Certes, les descriptions dues aux visionnaires de la Rue du Bac, de La Salette et de Lourdes, ont pesé lourdement sur l’élaboration d’une nouvelle image de la Vierge, mais comme ces descriptions, sans doute sincères, ont été revues et corrigées par un clergé soucieux de maintenir une orthodoxie prudente, les variantes observées çà et là sont tombées devant l’obligation d’un modèle unique en rapport avec les motivations d’une Église sur la défensive. Et, le phénomène industriel aidant, on en est venu à une reproduction en série d’un modèle unique. De la même façon que l’enseignement laïque et obligatoire dispensait la vérité une et indivisible, l’enseignement religieux ne pouvait que susciter la vérité d’une Vierge complètement épurée et débarrassée de tous les relents d’un paganisme sous-jacent. C’est là l’origine de ce que l’on a appelé l’art saint-sulpicien qui a inondé la plupart des sanctuaires. L’image de Notre-Dame de Lourdes a éclipsé d’autant mieux les Vierges locales et particulières qu’elle pouvait être reproduite et diffusée à l’infini.
    Et même si certains artistes ont continué à habiller la Vierge des vêtements qu’ils croyaient lui convenir, s’ils lui ont prêté des attitudes qu’ils jugeaient conformes au message évangélique, la représentation de la Mère de Dieu est devenue d’une banalité si affligeante qu’il vaut mieux ne pas en parler.

Les lieux sacrés de Notre-Dame
    Il est vraisemblable que les êtres humains, quand ils eurent pris conscience de l’existence d’un monde suprasensible, aient considéré la notion de sacré comme inhérente à la vie quotidienne. Mais il est tout aussi vraisemblable que, les spéculations métaphysiques se développant en marge de l’activité matérielle, ils aient fini par admettre que le sacré pouvait parfois être séparé du profane et se réfugier dans des endroits privilégiés. Comment ces endroits furent-ils déterminés ? Nul ne le sait, mais il est incontestable qu’ils étaient reconnus comme tels depuis la plus lointaine préhistoire. Sans doute fit-on intervenir la sensibilité, une sorte de sixième sens branché sur les courants cosmiques ou telluriques, sur l’énergie qui émanait de certains lieux, sur le paysage lui-même. On ne peut rejeter cette hypothèse quand on sait que les sanctuaires, quelle que soit la religion pratiquée, sont toujours situés dans ces mêmes lieux. Et puisque le sacré y paraissait enfermé, il était bon d’y aller en certaines occasions afin de se « recharger », afin de se régénérer au contact des puissances invisibles qui avaient envahi ces domaines réservés. Telle dut être l’origine des pèlerinages, ceux-ci étant attestés dans les périodes les plus lointaines de la préhistoire.
    Le christianisme, héritier de tant de rituels antérieurs, n’a pas dérogé à cette pratique. Très tôt se sont développées des « visites » sur les lieux mêmes de la passion du Christ, sur les emplacements où étaient enterrés les martyrs et les saints, sur les traces des apôtres, et bien entendu de Marie, en particulier à Éphèse où se trouvait, supposait-on, sa maison. Ces pèlerins essayaient tous de s’ imprégner de l’ aura sacrée laissée par des personnages divins ou sanctifiés. C’est une constante chez tous les peuples du monde de rechercher le contact intime avec un être exceptionnel sinon divin afin de bénéficier de son rayonnement. Ainsi s’explique le culte des reliques : un objet ayant appartenu à un saint personnage est nécessairement sanctifié et le seul fait de le toucher est susceptible d’assurer une communication étroite, une véritable communion, entre celui qui est arrivé et celui qui désire arriver au plus haut degré du sacré, car tout le monde ne peut pas être saint mais désire le devenir. Et puis, il y a, quelle que soit l’idéologie, la sensation qu’un lieu est chargé

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