La grande déesse
blanc, descendant jusqu’à la ceinture. Qui était-ce ? Je ne l’ai jamais su et personne n’a pu me renseigner à ce sujet. Longtemps elle pria devant l’autel de la Sainte Vierge. À midi, comment et par quel endroit a-t-elle disparu ? Je l’ignore et, quoique sa présence eût à ce point éveillé l’attention que les personnes du bourg venaient pendant cette matinée à l’église pour la voir, personne n’a pu connaître par où elle avait dirigé ses pas 72 . » Étrange histoire qui suscite bien des interrogations.
Car cet événement a eu des témoins, et tous ces témoins s’accordent pour affirmer qu’on n’a jamais su par où était partie la mystérieuse femme. Quand on connaît la curiosité des villageois concernant tout étranger, on est en droit de douter de l’existence réelle, charnelle, de cette femme au voile blanc. Alors, hallucination collective ou manifestation d’une entité qui a voulu apparaître quelque temps pour attirer l’attention des humains sur le sort des âmes endormies en quelque ville oubliée, ces âmes qui attendent désespérément un geste d’amour pour reprendre leur course sur les chemins de l’autre monde ? Tout est possible, et se dresse maintenant, à flanc de coteau, cette basilique dédiée à Notre-Dame-de-Montligeon, la Vierge qui intercède auprès de son divin Fils pour abréger les souffrances des âmes en peine.
Il est certain que de nombreux sanctuaires ont été bâtis après qu’un événement merveilleux se fut produit, non seulement la découverte d’une statue enfouie dans le sol ou sous un buisson, mais également l’apparition d’une « dame blanche » prétendant être la Vierge Marie. C’est ce qui s’est passé à Paris, dans la chapelle des Filles de la Charité de la rue du Bac, en 1830. Une religieuse, Catherine Labouré, qui avait déjà eu la vision du cœur de saint Vincent de Paul volant au-dessus du coffre renfermant la précieuse dépouille, puis la vision du Sacré Cœur de Jésus, fut réveillée, une nuit, par un jeune enfant d’une beauté ravissante. C’est du moins ce qu’elle raconta. L’enfant l’aurait alors invitée à aller dans la chapelle où la Vierge lui serait apparue, vêtue d’une robe blanche, la tête couverte d’un voile bleu. La Vierge lui aurait alors prédit les malheurs qui allaient fondre sur la France, en particulier la chute de la royauté et une grande vague d’anticléricalisme, puis l’aurait engagée à venir prier devant cet autel. Au cours d’une autre vision, en décembre de la même année, la Vierge serait apparue vêtue d’une robe montante de soie blanche, avec un voile blanc sur la tête, les pieds reposant sur la moitié d’un globe et foulant un serpent verdâtre. La Vierge aurait étendu les bras et les mains, celles-ci portant des anneaux couverts de pierreries qui jetaient des rayons vers le sol. La Vierge aurait alors expliqué que ces rayons étaient les grâces qu’elle voulait répandre sur ceux qui viendraient en cet endroit les lui demander. Enfin, comme apparaissait une inscription derrière l’autel, avec ces mots : « Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous », la Vierge lui aurait demandé de faire frapper une médaille sur ce qu’elle voyait, médaille qui serait bénéfique à tous ceux qui la porteraient.
Ces apparitions et les paroles prononcées rue du Bac n’ont jamais été reconnues officiellement par l’Église, mais en 1836, l’archevêque de Paris, Mgr de Quelen, ordonna une enquête à propos de la médaille, au terme de laquelle il en autorisa la frappe. Depuis lors, cette médaille dite miraculeuse s’est répandue à travers le monde entier et la dévotion à la Vierge Marie dans cette chapelle n’a jamais cessé, faisant de ce sanctuaire l’un des plus fréquentés de Paris. Ici, c’est la Vierge compatissante et dispensatrice de grâces qui est suppliée, en tant que médiatrice. On a oublié quelque peu l’aspect patriotique français et la connotation monarchiste du discours prêté à la dame blanche pour ne plus retenir que son indulgence maternelle envers l’ensemble de l’humanité. Et il faut remarquer que cette affirmation de l’Immaculée Conception de Marie s’est faite quelques années avant la promulgation du dogme. Il est vrai que cette notion était discutée depuis fort longtemps dans les conciles et qu’elle se trouvait nécessairement dans l’air du
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