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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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temps.
    On retrouve cette connotation monarchiste dans les apparitions de La Salette (Isère), où s’est manifestée une autre image de la Vierge Marie, celle qui verse des larmes sur l’iniquité et le peu de ferveur des humains, leur reprochant même de travailler le dimanche et dénonçant vigoureusement l’attitude de certains ecclésiastiques tout prêts à tomber dans le christianisme social et à se faire les complices des diaboliques démocrates. Tout cela sent la fabrication. Les apparitions ont soi-disant eu lieu en automne 1846, et les deux voyants étaient des bergers, Mélanie Calvat et Maximin Giraud. La première a fini sa vie, atteinte de démence mystique, le garçon est devenu alcoolique. Il avait d’ailleurs avoué au saint curé d’Ars qu’il n’avait jamais vu la Vierge. En fait, on sait maintenant que ce n’était qu’une mise en scène fomentée par une ancienne religieuse nostalgique de l’Ancien Régime. Cela n’empêche nullement La Salette d’être devenu un important sanctuaire et un lieu de pèlerinage très fréquenté. Pourtant, à la lecture des prétendus secrets révélés par la Vierge aux deux enfants, le pape Pie IX avait haussé les épaules et dit que tout cela n’était qu’un monceau de stupidités. Quant aux écrits qu’on a attribués aux deux « voyants », ils ne sont qu’une variante d’une « lettre de Jésus » qui circulait dans toute l’Europe depuis le Moyen Âge. À La Salette, ce n’est pas l’image de la Vierge de miséricorde qui domine, mais celle d’une hautaine vengeresse. Après tout, c’est peut-être un des aspects de la Déesse des Commencements, puisqu’elle représente une totalité.
    L’Église romaine se méfie pourtant des « apparitions », et en général de tout ce qui est « merveilleux ». C’est la tradition populaire qui s’empare de certains événements demeurés inexplicables et qui les interprète à sa façon, y incorporant des éléments hétéroclites surgis parfois du plus lointain passé épique et mythologique. On sait que la cathédrale Notre-Dame de Paris est un haut lieu marial, mais on ajoute qu’elle a été bâtie à l’emplacement d’un temple gallo-romain. On va même jusqu’à prétendre qu’il s’agissait d’un temple d’Isis en partant d’une étymologie aberrante de Paris, bar-Isis , c’est-à-dire « barque d’Isis ». On oublie que le nom de Paris est celui du peuple qui habitait cette région, tandis que le lieu même s’appelait Lutèce, nom sous lequel se dissimule mal le dieu Lug de la mythologie celtique. Mais cet appel au merveilleux légendaire à propos de Notre-Dame de Paris réserve bien des surprises.
    En effet, « il existe une pieuse légende sur la fondation de la première église sur l’emplacement de laquelle a été élevée Notre-Dame. En l’an  464, Artus [Arthur], roi de la Grande-Bretagne, vint en Gaule, où il fit de grands ravages. La Gaule était alors gouvernée par le tribun Flollo qui représentait l’empereur Léon. Le tribun, s’étant retiré dans Paris, s’y fortifia. Artus le défia en combat singulier […]. Une rencontre eut lieu sur la pointe orientale de la Cité, à la lance et à la hache ; Artus blessé tout d’abord à la tête, et aveuglé par le sang, implora la Sainte Vierge Marie, qui apparut tout à coup devant tous, et le couvrit de l’envers de son manteau, qui paraissait être formé d’hermine. Flollo, stupéfait de ce miracle, perdit la vue et Artus le tua. En mémoire de la vision miraculeuse, Artus prit pour armes les hermines, qui sont demeurées ensuite aux rois et aux princes de Bretagne. Il voulut aussi perpétuer le souvenir de son triomphe, et devant le lieu même du combat, il fit élever une chapelle à la Vierge 73  ». Il faut préciser que les hermines, avant d’être bretonnes, étaient les armes du prince capétien Pierre Mauclerc, époux de la duchesse Alix de Bretagne au XIII e  siècle, et que c’est depuis cette époque qu’elles ont été adoptées par les Bretons. Quant au soi-disant roi Arthur, il n’est jamais venu en Gaule, encore moins à Paris. Tout cela sort d’un passage de l’ Historia regum Britanniae , écrite en 1135 par Geoffroy de Monmouth, avec une confusion : au cours de la bataille du mont Badon contre les Saxons, Arthur porte l’image de la Vierge Marie sur ses épaules et obtient la victoire. Mais il n’est nullement question d’une apparition. C’est une

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