La grande déesse
à Sion-Vaudémont (Meurthe-et-Moselle), cette « colline inspirée » si chère à Maurice Barrès ? Il est vrai que Barriès, excité par son bouillant patriotisme revanchard, avait oublié que là où s’élève maintenant la statue de Notre-Dame-de-Sion, s’étendait un sanctuaire dédié à la déesse gauloise Rosmertha, la « Pourvoyeuse », en qui l’on ne peut que reconnaître la Déesse des Commencements, un autre visage d’Anna-Dana, celle qui était à l’origine de toute chose. Et combien de pèlerins sont-ils allés à Avioth (Meuse) pour prier la Vierge dont une statue, que la tradition prétendait sculptée par les anges, avait été retrouvée dans un buisson d’aubépine ? Ils ne savaient peut-être pas que, traditionnellement, les buissons d’aubépine sont les demeures des fées, et que les fées ne sont pas autre chose que l’image folklorisée de cette Mère divine dont ils recherchaient la tendresse. Quant à Notre-Dame-de-Pontmain, perdue dans la campagne mancelle, aux frontières de la Bretagne, elle est messagère de paix, étant apparue, nous dit-on, en 1871, pour signifier à des enfants que la désastreuse guerre contre les Prussiens allait s’achever.
Et il y a bien d’autres sanctuaires, dispersés à travers toute la France, les uns connus, les autres ignorés ou oubliés. Au Folgoët (Finistère), Notre-Dame veille sur le sommeil du « fou du bois » ( Fol-Goët ), c’est-à-dire Salaün, un pauvre vagabond qui ne savait que prononcer quelques paroles à la Vierge et qui vécut là dans cet amour insensé. On y a bâti l’un des plus beaux édifices flamboyants de toute la Bretagne. À l’autre bout de la France, à Tursac (Dordogne), la statue actuelle de Notre-Dame a pris la suite d’une représentation d’une déesse mère gauloise, auprès d’une source et d’un dolmen. À Douvres (Calvados), Notre-Dame-de-la-Délivrande, située sur la frontière séparant les territoires de deux anciens peuples gaulois, protège les marins et les captifs et redonne la vie aux enfants mort-nés pour qu’on puisse les baptiser. À Noves (Bouches-du-Rhône), où l’on a retrouvé la terrifiante statue gauloise représentant un monstre androphage, une statue de Vierge noire provient d’une colline où se trouvait autrefois un temple dédié à Hécate, la sinistre déesse des carrefours, celle qui égare ou qui dirige, selon le destin fixé par ce qui est au-dessus des dieux, cette mystérieuse énergie qui anime l’univers.
Cette énergie, on peut la ressentir dans certains lieux qui ne sont guère célèbres. Ainsi en est-il de Querrien (Côtes-d’Armor), un petit village situé dans des zones inconnues des monts du Méné. Il s’agit d’une fondation irlandaise en pleine péninsule armoricaine. En 610, le moine saint Gal, compagnon de saint Colomban, et qui a laissé son nom à la célèbre abbaye de Suisse alémanique, construisit un oratoire en cet endroit désolé. La légende locale rapporte qu’il fit jaillir une source qu’on peut voir de nos jours. L’oratoire était, semble-t-il, dédié à la Vierge, que saint Gal avait en grande vénération. Mais le temps passa et l’oratoire tomba en ruine. Pourtant, le culte de la Vierge Marie était resté très fervent dans le pays et, en 1652, le 15 août, une petite paysanne de douze ans, Jeanne Courtel, qui était sourde et muette, vit la Vierge lui apparaître : aussitôt, elle se mit à entendre et à parler. La Mère de Dieu lui aurait dit de faire construire un sanctuaire à cet emplacement, ce qui fut fait quatre ans plus tard. L’édifice, très simple, contient deux beaux retables dans les chapelles latérales, où l’on peut remarquer un magnifique groupe constitué par sainte Anne et la Vierge datant de la fin du XVII e siècle. Cette représentation est tout à fait originale et tranche sur les clichés qui accompagnent d’ordinaire la figuration de sainte Anne. Il y a également une Vierge à l’Enfant, sous le nom de Notre-Dame-de-Toute-Aide.
Ce nom suscite un commentaire : c’est le même qui désigne à Rumengol (Finistère) une statue vénérée de la Vierge qu’on implore pour la guérison de toutes les maladies, à l’image de la Mère divine qui veille sur ses enfants et les garde du mal. Il faut noter que cette appellation se retrouve aussi à Rumengol (Morbihan) et qu’elle peut être traduite du breton en français par « remède à tout ». Or, c’est un des noms
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