La grande déesse
simple tradition, vraisemblablement d’origine cléricale, à l’époque où les romans arthuriens connaissaient un vif succès dans toute l’Europe. C’était ainsi donner des lettres de noblesse supplémentaires à Notre-Dame de Paris qui, il faut bien le dire, n’en avait nul besoin, se suffisant amplement à elle-même.
Les légendes sont presque aussi nombreuses que les lieux de culte. À Josselin (Morbihan), on raconte que la statue fut trouvée dans les ronces, auprès d’une fontaine, et qu’elle y retournait toutes les nuits après avoir été placée en lieu sûr. C’est pourquoi on la vénère sous le nom de Notre-Dame-du-Roncier dans la magnifique basilique flamboyante qui se dresse près du non moins superbe château des Rohan, en un lieu très fréquenté le jour du pèlerinage, le 8 septembre. À Boulogne-sur-Mer, la statue serait arrivée sur une barque et la Vierge serait apparue aux habitants pour leur demander d’en prendre soin. Mais, au début de la Seconde Guerre mondiale, la statue ayant été mise en lieu sûr, il s’est déroulé un curieux pèlerinage où c’est la statue qui pérégrinait et non les fidèles : devenue Notre-Dame-du-Retour, la Vierge de Boulogne accomplit de longs périples avant de regagner son sanctuaire initial du Pas-de-Calais. Quant à Notre-Dame-de-Liesse, non loin de Laon (Aisne), on lui prête la libération de trois croisés captifs des musulmans en Terre sainte et la conversion d’une princesse « sarrasine ». La légende de Notre-Dame-de-Liesse était si répandue au Moyen Âge qu’on a fait des copies de sa statue un peu partout en France, notamment à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) où elle a été placée dans une chapelle située presque au-dessus de la rivière.
Le sanctuaire marial le plus connu de toute la France, qui est l’un des plus fréquentés de toute la chrétienté, est indubitablement Lourdes. Là, la légende s’estompe face à des phénomènes que nul sceptique ne peut rejeter. Il n’est pas possible de douter un seul instant de la réalité des apparitions à Bernadette Soubirous. Elle a vu quelque chose et, sur les conseils de ce qu’elle a vu , elle a fait jaillir une source à l’entrée d’une grotte. Ce qui est plus discutable, c’est l’interprétation cléricale qui a été donnée ensuite à la vision de Bernadette, et surtout la référence à l’Immaculée Conception, dont le dogme venait d’être officialisé quelques années auparavant. Bien sûr, on peut faire référence à la tradition pyrénéenne concernant des « dames blanches » qui apparaissent régulièrement dans des grottes, sur le bord des torrents et des rivières, mais il n’empêche que le culte de Notre-Dame-de-Lourdes a dépassé de loin toutes les autres dévotions à la Vierge Marie et que des « miracles », c’est-à-dire des « choses merveilleuses » et donc inexplicables, se sont produits dans ce sanctuaire qui, s’il n’est pas divin, est néanmoins chargé d’une telle aura que tout y est possible.
Mais Lourdes, en dehors de toute conviction religieuse, et surtout de tout jugement esthétique qui, vu le mauvais goût déployé, serait franchement défavorable, est un de ces hauts lieux où souffle l’Esprit. Et l’image de Notre-Dame-de-Lourdes a fait le tour du monde, imprégnant les consciences, marquant à jamais l’imaginaire des peuples. C’est un fait indéniable : Notre-Dame-de-Lourdes est la représentation que le XX e siècle se fait de la Déesse des Commencements, et il serait bien difficile, à l’heure actuelle, de lui substituer une autre forme, un autre visage, une autre attitude.
Lourdes, c’est le grandiose, c’est la foule, c’est l’espoir d’une guérison miraculeuse, c’est une immense liturgie répercutée entre les flancs de la montagne sur les rives du Gave. Mais ne parler que de Lourdes, c’est ignorer le reste, ces sanctuaires demeurés plus modestes et qui pourtant ne sont pas moins révélateurs de cette foi profonde en Notre-Dame de toujours. Lourdes a éclipsé Garaison et Bétharram qui sont à proximité, dans le même diocèse, et bien antérieurs. Lourdes a éclipsé Notre-Dame-d’Ay (Ardèche) en plein cœur du Vivarais, sur une étrange faille de l’écorce terrestre, lieu privilégié qui, au Moyen Âge, était le rendez-vous de tous les pèlerins sollicitant la guérison de leurs maladies. Et combien de fervents zélateurs de la Bonne Mère sont-ils venus
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