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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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réfrénée, qu’on lui prête. Mais à l’opposé de cette image, on ne peut passer sous silence un autre visage de cette Déesse des Commencements, celle de la mystérieuse Anne, la mère de Marie. Alors apparaît le culte de la Grand-Mère, de la « Vieille », c’est-à-dire de celle qui a toujours existé, même avant la création. Et jamais plus qu’à Sainte-Anne-d’Auray, ce culte de la « bonne grand-mère » n’a été mieux mis en valeur.
    Jusqu’au XVII e  siècle, le site de Sainte-Anne-d’Auray, aujourd’hui commune et paroisse du Morbihan, n’était qu’un modeste hameau de la paroisse de Pluneret portant l’appellation de Keranna. Pour comprendre la célébrité du sanctuaire actuel, il faut remonter à l’époque où le roi Louis XIII règne sur la France – et par contrecoup sur la Bretagne, pays uni à la France sous la même couronne. Depuis les guerres de Religion et les troubles de la Ligue, particulièrement violents dans le sud de la Bretagne, la Contre-Réforme catholique n’a ménagé aucun effort pour s’implanter et gagner les populations à sa cause. Zélés missionnaires et « curés de choc » sillonnent les campagnes pour tenter de récupérer au nom du vrai Dieu – celui défini une fois pour toutes par Rome – des territoires qui n’étaient pas tellement contaminés par la Réforme, mais plutôt par un retour à un certain paganisme. C’est dans ce cadre que se situent les événements de 1624.
    Yves Nicolazic, un modeste paysan de Keranna, un soir qu’il s’attarde à travailler dans son champ du Bocenno, voit apparaître une belle dame blanche tenant un cierge allumé. Il se demande s’il n’a pas rêvé 71 et se garde bien de parler de cette vision à quiconque. Mais l’apparition se manifeste plusieurs soirs de suite à la tombée de la nuit. Nicolazic, qui est très pieux, et qui a bien écouté les sermons des missionnaires, craint d’être en butte aux ruses du démon. Or, le soir du 25  juillet 1624, la « dame blanche » lui parle : « Ne crains rien. Je suis Anne, mère de Marie. Dis à ton recteur que dans la pièce de terre appelée Bocenno, il y a eu, avant qu’aucun village ne fût bâti, une chapelle qui me fut dédiée, la première de tout le pays. Elle a été détruite il y a 924  ans et six mois. Je désire qu’elle soit reconstruite et que tu en prennes soin, parce que Dieu veut que je sois honorée en ce lieu. » On remarquera au passage la prétention de l’apparition à être honorée, et aussi la précision donnée quant à la destruction de la soi-disant chapelle.
    Mais Nicolazic ne semble guère avoir confiance dans son recteur. Peut-être, après tout, celui-ci savait-il à quoi s’en tenir sur son compte. Toujours est-il que le « voyant » va trouver un capucin d’Auray et lui raconte toute l’affaire. Le capucin le prend pour un fou. Rentré chez lui, Nicolazic décide d’en avoir le cœur net : il emmène son beau-frère sur les lieux de l’apparition afin d’avoir un témoin. Mais rien ne se passe, ni ce soir-là, ni pendant de nombreux mois. Or, le vendredi 7 mars de l’année 1625, Nicolazic, qui s’était endormi comme à l’habitude, est réveillé par un bruit particulier et une vive lumière. Il suit cette lumière jusqu’au champ du Bocenno et, là, la lumière disparaît dans le sol. Aidé par son beau-frère et quelques voisins mobilisés pour la circonstance, il creuse la terre en cet endroit et découvre une statue en bois, d’un travail grossier, et tellement rongée qu’il est bien difficile d’y reconnaître des formes féminines. Néanmoins, il déclare que c’est la statue de sainte Anne.
    On crie évidemment au miracle. Les capucins d’Auray viennent s’informer et sont tenaillés par le doute. Par la suite, après d’interminables colloques, ces mêmes capucins dateront, on ne sait sur quels critères, la statue de l’an  701. On admirera la précision. Et la nouvelle de cette découverte se répand aux alentours. On accourt voir la statue et on lui rend un culte quelque peu rudimentaire. Cela n’est guère du goût du clergé, qu’il soit séculier ou régulier. Plainte est déposée auprès de l’évêque de Vannes, Mgr de  Rosmadeuc. Celui-ci fait procéder à une enquête serrée dont les tenants et aboutissants n’ont jamais été rendus publics. Et, finalement, ne pouvant arrêter l’élan de ferveur populaire qui se propage, l’évêque donne

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