La grande déesse
qu’on donne en breton au gui, lequel, si l’on en croit ce que raconte Pline l’Ancien, était utilisé par les druides pour fabriquer une potion qualifiée de panacée. Ce sont là de curieuses coïncidences, mais il est évident que Querrien est un de ces lieux sacrés très discrets où la Theotokos , quelle que soit son appellation, est honorée de façon permanente par une population qui n’a rien oublié des grandes traditions de la Déesse des Commencements. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres : combien de modestes chapelles sont ainsi les reposoirs de cette mystérieuse Miriâm-Marie, la Vierge d’entre les Vierges, la Mère divine en qui résident toute grâce, toute beauté, tout amour, toute compassion. Les moindres édifices religieux du temps passé, disséminés à travers les campagnes, recèlent non seulement des trésors d’architecture trop souvent ignorés, mais également l’extraordinaire éclat de celle que les litanies appellent l’« Étoile de la Mer », la « Reine des Anges » ou la « Consolatrice des Affligés ». Le culte de Marie, mère de Jésus, image incarnée de la Déesse des Commencements, n’est pas près de s’éteindre, et la lumière qu’elle dispense inonde jusqu’aux moindres recoins des zones ténébreuses de l’inconscient.
Qu’est donc cette Déesse des Commencements, qui est également la Déesse des Crépuscules ? Seuls les mystiques et les poètes ont dû, sinon la comprendre, du moins l’appréhender dans son immensité. Les êtres humains n’ont jamais oublié le traumatisme de leur naissance, ni la souffrance du sevrage. Ils recherchent tous leur mère sous des noms et des aspects parfois fort divers. Mais c’est toujours la même, l’éternel féminin qui est le devenir de l’homme. C’est ainsi que Nerval s’écriait au milieu de son délire : « Je reportai ma pensée à l’éternelle Isis, la mère et l’épouse sacrée ; toutes mes aspirations, toutes mes prières se confondaient dans ce nom magique, je me sentais revivre en elle, et parfois elle m’apparaissait sous la figure de la Vénus antique, parfois aussi sous les traits de la Vierge des chrétiens » ( Aurélia , II, 6). On ne pourrait mieux dire l’universalité de la Vierge des Vierges. Et chacun d’entre nous peut prendre en compte cette vision de Gérard de Nerval : « Il me semblait que la déesse m’apparaissait, me disant : Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même aussi que sous toutes les formes tu as toujours aimée. À chacune de tes épreuves, j’ai quitté l’un des masques dont je voile mes traits, et bientôt tu me verras telle que je suis » ( Aurélia , II, 5).
Masque ou voile, il y a identité. On dit qu’Isis est revêtue de sept voiles et que c’est à cause de cela que Salomé a dansé pour Hérode la danse des sept voiles avant de se dénuder en une vision de l’infini. D’un infini féminin . Qui osera ôter un à un tous les voiles qui entourent les formes mystérieuses de la Déesse des Commencements ?
NOTRE-DAME-DE-PARTOUT
« Dès l’éternité je fus établie, dès le principe, avant l’origine de la terre. Quand les abîmes n’étaient pas, je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources aux eaux abondantes. Avant que fussent implantées les montagnes, avant les collines, je fus enfantée » (Proverbes, 8, 23-25). Cette définition hébraïque de la Vierge, qui est émanation pure du Créateur en tant que Sagesse personnifiée, se ressent d’une évidente influence égyptienne, même si la formulation est bien dans l’esprit d’une religion de type masculin où Yahveh est le principe créateur absolu. Mais, de même que Hegel a insisté sur le fait que Dieu, avant la création, équivalait au néant parce qu’il n’avait pas conscience de son existence face à la créature, la théologie égyptienne établit une différence entre l’avant et l’après du moment fatidique que les scientifiques ont appelé le big-bang . En effet, « dans la pensée égyptienne, l’esprit divin n’existe pas de toute éternité. Il apparaît quand il prend conscience du fait qu’il est différent du magma primordial. Ce n’est que lorsqu’il comprendra cette dissemblance, que le démiurge suscitera, de sa propre volonté, sa désolidarisation du milieu dans lequel il était inerte 74 ».
C’est ainsi que le principe absolu Atoum « monologue dans le silence des abysses. Puis, il entame un
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