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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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militaires, ce qui n’était pas sans aiguiser la frustration des
chercheurs.
    En revanche, les aspects défensifs de la guerre furent dans
l’ensemble un remarquable succès. La qualité des moyens de défense mis en œuvre
et la promptitude avec laquelle les innovations atteignirent le front ne firent
qu’accentuer l’échec relatif des gaz de combat. Plutôt que de spéculer sur les
qualités respectives des équipes de chercheurs en charge des aspects offensifs
ou défensifs, il convient de souligner que la raison de cette différence tient
tout simplement à la difficulté scientifique relative des tâches à accomplir.
En effet, d’un point de vue technique, il était largement plus aisé de
concevoir une protection respiratoire contre des substances chimiques connues
que d’élaborer « un système d’arme » complètement nouveau, c’est-à-dire
un moyen de dissémination (obus, projecteur, etc.) ainsi qu’un toxique, compte
tenu de la complexité extrême des paramètres opérationnels (concentration
létale, mode d’action, facteurs météorologiques, etc.) liés à l’utilisation des
armes chimiques. Aussi, d’une manière générale, la défense prit le pas sur l’offensive
chimique. Les succès remarquables obtenus dans le domaine de la défense
chimique entre 1915 et 1918 expliquent en grande partie l’échec relatif des gaz
sur le champ de bataille. Les masques respiratoires sans cesse perfectionnés
permirent ainsi de soustraire les combattants qui en étaient revêtus aux effets
des toxiques.
    Néanmoins, un certain nombre de facteurs aggravants
permettent d’étayer plus solidement le constat de l’échec relatif de la guerre
chimique. L’une des explications possibles de cette relative « inefficacité »
de l’arme chimique pourrait résider dans la mauvaise évaluation des
concentrations nécessaires pour provoquer la mort par les scientifiques français,
allemands et britanniques. Au cours de la guerre, le P r  Fritz
Haber donna son nom à une constante, baptisée donc « constante de Haber »,
qui était un rapport entre une concentration (mg/m 3 ) et une durée
(en minutes). Ce rapport indiquait donc, pour une durée donnée, la
concentration mortelle d’un toxique militaire. Les chimistes allemands, lorsqu’ils
évaluaient une substance chimique, pouvaient, grâce à cet instrument, rejeter
les agents dont le cœfficient se révélait trop élevé. Or, on constate que les
chiffres obtenus par la méthode de calcul élaborée par le P r  Haber
sont, pour de nombreuses substances, largement inférieurs aux résultats obtenus
par des méthodes de calcul modernes. Cette hypothèse, car cela reste une
hypothèse, expliquerait, en plus des difficultés techniques qui ne purent être
surmontées, le faible rayon d’efficacité des obus chimiques pendant la Grande
Guerre dans la mesure où les concentrations obtenues dans la zone supposée
mortelle étaient dans les faits largement inférieures aux doses létales [798] . C’est là la
théorie de Ludwig Friedrich Haber (le propre fils de Fritz) qu’il développe d’ailleurs
longuement dans son ouvrage [799] .
    La théorie de Ludwig Haber est plausible mais elle me semble
insuffisante pour expliquer le bilan « décevant » de la guerre
chimique. Il convient, pour qu’elle devienne convaincante, de la coupler à des
facteurs techniques liés aux structures internes des munitions chimiques. En
effet, la quasi-totalité des projectiles chimiques de la Première Guerre
mondiale n’étaient que de vulgaires obus conventionnels adaptés avec plus ou
moins de bonheur pour contenir une charge chimique. Le rendement chimique de
ces munitions était assez médiocre au regard des performances qu’il est aujourd’hui
possible d’obtenir dans ce domaine. Le coût et surtout le temps nécessaires à
la réalisation de munitions chimiques spécifiques étaient exorbitants aux yeux
des belligérants, qui devaient, pour ainsi dire, mener la bataille au jour le
jour. Les recherches n’aboutirent donc pas avant la fin des hostilités. La
pression à laquelle étaient soumis les chimistes et les artilleurs freinait le
déroulement des campagnes de tests exhaustifs et d’essais dans des conditions
réelles. Certes, ces tests existaient mais ils étaient largement insuffisants
au regard de l’extraordinaire complexité des paramètres opérationnels.
    Globalement, et malgré quelques réussites locales, l’arme
chimique ne permit

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