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La grande guerre chimique : 1914-1918

La grande guerre chimique : 1914-1918

Titel: La grande guerre chimique : 1914-1918 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Lepick
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paraissent plausibles, l’estimation des pertes russes, qui
représentent près de 60 % des victimes totales, ne repose sur aucune
donnée statistique fiable. Encore une fois, il semble que ces chiffres tiennent
plus de l’art divinatoire que de la rigueur scientifique. Jusqu’à l’apparition,
par ailleurs improbable, de statistiques russes dignes de confiance, il est
préférable de se pencher sur les seules données relativement fiables dont nous
disposons, à savoir celles du front occidental.
    Sur le front occidental, les gaz causèrent, entre 1915 et
1918, la mort de près de 17 000 soldats dont près de 50 % au
cours des onze derniers mois de la guerre. Les gaz tuèrent ainsi dans des
proportions bien moins importantes que ce que l’on a longtemps pensé. Les victimes
des armes chimiques représentaient donc à peine 0,5 % de l’ensemble des
morts dénombrés sur le front occidental [784] .

    Ces statistiques nous permettent également de constater que
si le seul total des victimes de l’année 1918 est pratiquement égal au total
cumulé de 1915, 1916 et 1917, le taux de mortalité lié aux pathologies causées
par les gaz lors des trois premières années du conflit chimique fut, dans l’ensemble,
beaucoup plus élevé (6,6 % des victimes des gaz décédaient) que lors de la
dernière année (2,5 % en 1918).
    Ce facteur est directement lié d’une part, à l’amélioration
de la défense chimique tant dans le domaine de la protection du combattant que
dans celui des traitements médicaux des pathologies causées par les gaz et, d’autre
part, au taux de mortalité relativement faible des blessures causées par l’ypérite [785] .
Le pourcentage particulièrement élevé des décès au sein des troupes françaises
entre 1915 et 1918 (16,5 %) peut s’expliquer par la faible protection
offerte par le masque M2. Quant à la relative dégradation du taux de
mortalité dans l’armée allemande en 1918, elle tient pour l’essentiel à la
baisse de la qualité des matériels de protection allemands ainsi qu’à l’intensification
de la guerre chimique alliée [786] .
    En définitive, les gaz blessèrent plus qu’ils ne tuèrent. Au
regard des 23 millions de blessés et des 8,5 millions de morts causés
par le conflit, force est de constater que le nombre des victimes des gaz fut
relativement réduit. Les explosifs et les armes à feu tuèrent dans des
proportions incroyablement plus élevées. D’un point de vue quantitatif, il
apparaît même que les agents chimiques possédaient une capacité d’attrition, c’est-à-dire
la capacité à causer des victimes, inférieure à celle des vecteurs utilisés
pendant la Grande Guerre [787] .
    Cependant, au moment de l’armistice, des milliers de soldats
étaient encore traités dans des hôpitaux ou des sanatoriums pour des blessures
provoquées par des gaz. Un certain nombre d’entre eux allaient devoir suivre un
traitement médical pendant le reste de leur existence [788] . D’autres, bien
que rétablis, allaient conserver leur vie durant les stigmates physiques ou
psychologiques d’une expérience difficile à oublier. De fait, les pathologies
chroniques (bronchite, asthme, insuffisance respiratoire, infections des voies
respiratoires) présentées par un certain nombre de vétérans les empêchèrent de
mener une vie normale après le conflit. Ces affections évoluaient, dans bien
des cas, vers des maladies plus graves encore comme des infections pulmonaires
ou des troubles cardiaques sérieux qui pouvaient provoquer indirectement la
mort d’un soldat gazé dix ou vingt ans plus tôt. De même, les affections
oculaires provoquées par l’ypérite entraînaient fréquemment une cécité au cours
des vieux jours du vétéran [789] .
    Ludwig Friedrich Haber, dans son ouvrage, a recensé les pensionnés
britanniques pour cause de gaz dans l’immédiat après-guerre [790] . En 1920, il y
avait en Grande-Bretagne 26 700 vétérans pensionnés au titre de
blessures ou de troubles physiques causés par une exposition à des gaz de
combat. Au 31 mai 1929, leur nombre était tombé, au terme des
disparitions et des reclassifications successives, à 8 400 hommes,
soit à peine 1,13 % des 737 000 anciens combattants de la Grande
Guerre encore pensionnés à cette date.
    Si les séquelles physiques laissées par l’arme chimique aux
soldats furent quantitativement restreintes, les séquelles psychologiques
furent proportionnellement

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