La grande guerre chimique : 1914-1918
marins,
quatre corps de réserve et même deux brigades de la garde. Il était clair que
les Allemands étaient prêts à d’énormes sacrifices pour enfoncer la ligne
Ypres-Dixmude vers Calais et Dunkerque. Tel était le dispositif mis en place
dans la région autour du 15 octobre 1914.
Le 20 octobre, la bataille de l’Yser s’engageait. Les
forces allemandes, appuyées par de l’artillerie lourde de 280 mm, s’attaquèrent
autour de Dixmude aux positions alliées, qui cédèrent sous les premiers coups
de butoir de l’infanterie allemande. Mais si la ville était tombée, les troupes
allemandes n’avaient pu franchir l’Yser en raison de la résistance acharnée des
fusiliers marins français et de l’armée belge. Les combats furent
particulièrement meurtriers. Les forces belges, les fusiliers marins français
subirent des pertes énormes. Ainsi, la brigade belge Meiser endura des attaques
sur ses positions pendant soixante-douze heures consécutives : certaines
nuits, il y eut jusqu’à 15 assauts successifs. Devant la menace, on décida
de soulager les troupes alliées bousculées en utilisant astucieusement la
configuration géographique de la région. La plaine de la région de Nieuport
était au-dessous du niveau des hautes mers, et l’éclusier de Nieuport qui avait
en charge le système d’écluses était formel : leur ouverture devait
transformer toute la basse plaine en un golfe maritime. Il certifiait qu’en
dépit de sa faible profondeur, cette étendue d’eau resterait infranchissable.
Cela bloquerait durablement la poussée allemande. Après quelques hésitations,
et devant l’âpreté des combats, l’état-major belge décida l’ouverture des
vannes au soir du 27 octobre. Dès le 28, les troupes allemandes, menacées
d’enlisement, durent se retirer précipitamment vers des terres plus fermes en
abandonnant une grande partie du matériel lourd. Dans cette région, qui s’étendait
entre Ypres et la mer, le contact n’existait plus entre les deux armées. Dans
ces conditions, les Allemands furent obligés de porter leur effort sur le
saillant d’Ypres, c’est-à-dire plus au sud, où s’engagea la première bataille d’Ypres,
qui allait faire rage du 1 er au 14 novembre 1914. L’ouverture
providentielle des écluses avait permis aux troupes alliées non seulement de
réduire la longueur du front mais surtout d’autoriser l’arrivée de renforts
substantiels. Les nouvelles lignes serpentaient maintenant entre Nieuport et
Armentières. Au nord, les forces belges fermaient le dispositif tandis qu’au
sud, les forces franco-anglaises faisaient face aux IV e et VI e armées
allemandes. Les Français engageaient sur l’ensemble du front nord près de 30 divisions
d’infanterie et 10 divisions de cavalerie, alors que sur les 700 km
de front restants, ils ne disposaient que de 80 divisions d’infanterie et 2
de cavalerie. Ce répit avait permis aux Allemands de faire de même, et ils
avaient dépêché des troupes du 13 e corps d’armée ainsi que des
divisions de réserve bavaroises. De part et d’autre, on alignait près de 500 000 hommes.
L’empereur Guillaume voulait à tout prix emporter la décision sur Ypres et
les Allemands déclenchèrent sur le saillant, à partir du 1 er novembre,
une série d’assauts d’une violence inouïe. La journée fut l’une des plus
sanglantes de toute la guerre. Foch dut jeter huit bataillons dans la fournaise
pour rétablir la situation. Pendant dix jours encore, des attaques allemandes
incessantes tentèrent de faire sauter les charnières qui maintenaient, du nord
au sud, le saillant d’Ypres en alternant les coups de boutoir. À chaque fois,
ces initiatives échouèrent. L’offensive allemande s’était essoufflée, et dès le
10 novembre, l’intensité de la bataille décrut pour s’achever deux jours
plus tard. Cette bataille avait coûté 30 000 hommes aux Allemands et
le village de Langemarck avait vu tomber la fine fleur de la jeunesse
allemande, celle des volontaires d’un an, qui se fit massacrer avec l’héroïsme
le plus fou.
Recréer la vraie guerre !
La guerre des taupes
Avec cette stabilisation des positions respectives dans le
nord du théâtre des combats, qui demeurait jusqu’alors la seule partie du front
encore mobile, s’évanouissait le dernier espoir d’en finir au plus vite. La
stratégie militaire classique s’avérait impuissante. Il semblait que la défense
avait pris
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