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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges TABET , André TABET
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passage.
    Il desserra le frein de la voiture, la laissant poursuivre la marche arrière qu’elle avait déjà esquissée avec tant de mauvaise volonté.
    Ses deux phares eurent soudain une expression effarée puis indignée. Mais obéissant à la loi de la pesanteur, la Renault prit de la vitesse et quittant brusquement la route, elle alla se jeter de désespoir dans un paisible cours d’eau, parallèle à la nationale, qui l’engloutit avec avidité.
    Les truites et les ablettes, trouvant cet appât un peu gros, s’en éloignèrent avec dédain. Triste fin pour une fidèle employée des P.T.T.
    Les deux Anglais et les deux Français se trouvaient maintenant seuls sur le chemin, abandonnés de tous.
    Où aller ?
    Entrer dans la première ferme venue ?
    En ces temps difficiles, on ne pouvait savoir sur qui on tombait.
    Il y avait, certes, beaucoup de sympathisants à la cause des Alliés. Mais il n’y avait pas que ça. Nombreux étaient encore ceux qui rêvaient d’une Europe unie sous la botte d’Hitler. Le führer « mettrait de l’ordre » chez nous. Nombreux étaient les naïfs qui croyaient que la France devrait désormais collaborer avec l’Allemagne, mais que les Français finiraient par posséder les vainqueurs en les grisant de parfums et de vins fins.
    Non ! Pas de visites impromptu dans les fermes. C’était trop risqué.
    Ils avaient une bonne adresse à Meursault, à l’hôtel du Globe ; il fallait y aller à pied. Mais pas en troupe. Reginald décréta qu’il serait prudent de se séparer, de ne pas marcher en groupe, afin de ne pas donner l’éveil à de dangereuses curiosités.
    — Je vais partager avec vous mes trésors, dit-il aux Français désespérés à l’idée de se retrouver isolés.
    Mais, ils n’osèrent pas protester tant ils étaient à plat.
    Le Squadron-Leader ouvrit une enveloppe de cuir imperméable et annonça tout en procédant à la distribution :
    — Tickets de rationnement français !
    — Imprimés à Londres, précisa Mac Intosh.
    — Agent français !
    —  Printed in Paris ! dit Mac Intosh.
    Stanislas, d’un geste brusque, avait empoché deux confortables liasses pour lui-même et le peintre.
    — Pardon, et moi ? protesta Augustin.
    — Vous ? Je n’ai pas confiance, déclara le maestro. Vous manquez d’habitude pour manier des capitaux. Vous êtes un manuel.
    Il lui fit l’aumône d’un seul billet.
    Augustin se le tint pour dit. Il n’en était pas moins révolté intérieurement par l’égoïsme du chef d’orchestre.
    — Et maintenant, lança Reginald, footing, gentlemen !
    Joignant le mouvement à la parole, les deux Anglais s’éloignèrent à grands pas cadencés dans un démarrage foudroyant, laissant les deux Français pétrifiés sur place.
    Augustin, bien que manuel, possédait de bons pieds. Dur et râblé, il prit le départ.
    Mais Stanislas qui portait encore ses escarpins de soirée collectionna, dès le premier pas, tout un assortiment de graviers à l’intérieur de ses minces chaussures. Il s’affala sur une borne en larmoyant :
    — Eh ! Augustin ! Attendez-moi !
    Á vingt mètres de là, le peintre s’arrêta.
    — Dépêchez-vous ! brailla-t-il, de loin, vers Stanislas.
    Le maestro se leva en boitant d’une façon pitoyable. Il franchit un court espace et ne tarda pas à s’effondrer sur la borne suivante.
    Il se déchaussa, vida ses escarpins des blessantes petites pierres et massa ses extrémités douloureuses.
    Les Anglais n’étaient plus, au bout de la route, que de minuscules silhouettes.
    Augustin, partagé entre le désir de courir les rejoindre et celui de secourir le maestro, s’arrêta.
    —  Hey ! lança-t-il aux Anglais.
    Mac Intosh, sans se retourner, lui fit du bras signe d’avancer. Le peintre eut un geste de découragement et s’adressant cette fois au maestro :
    — Hé ! cria-t-il.
    Le pauvre chef d’orchestre endolori, fourbu, bondit sur ses pieds blessés qui refusèrent tout service.
    — Aïe ! s’écria-t-il.
    Et il retomba, vaincu par la douleur.
    Mais sa hargne l’aidant, il trouva encore l’énergie d’invectiver le peintre.
    — Foutez-moi la paix ! Laissez-moi crever !
    Touché par l’aspect misérable de cet homme qui naguère était une des vedettes de Paris, Augustin rebroussa chemin, décidé à ne pas l’abandonner.
    Sur sa borne, Stanislas, à bout de courage, avait le visage dans ses mains. Le peintre lui tapa gentiment sur

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