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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges TABET , André TABET
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l’épaule.
    — Qu’est-ce que vous me voulez ? rugit le maestro en sursautant, comme un chien méchant qui mord alors qu’on lui offre un morceau de sucre.
    — Vous fâchez pas ! dit Augustin avec sollicitude. Allez ! Debout ! Tout doucement !
    — Qui vous a permis de me parler sur ce ton d’infirmière ? Je ne suis pas un gâteux ! Un minus ! Comme vous !
    Tant d’injustice fit perdre patience au brave Augustin.
    — Je vous demande humblement pardon ! fit-il, pincé. Moi qui venais gentiment vous donner un coup de main, voilà que je me fais engueuler !
    — J’en ai engueulé d’autres que vous, rétorqua l’autre avec une insigne mauvaise foi.
    C’en était trop.
    — Dites donc ! s’emporta Augustin. Faudrait pas croire que vous allez me faire marcher à la baguette comme vos esclaves de l’Opéra ! Espèce de crâneur ! Grosse tête, petit homme !
    Stanislas, étouffant de rage sous l’injure, hurla :
    — Voyou ! Cul-terreux !
    Reginald et Mac Intosh avançaient d’un pas vigoureux, tout en parlant de leurs compagnons français restés en arrière.
    — On dit que nous, Anglais, nous sommes champions sur mer et que les Français sont les rois sur terre… Regardez, Mac ! Est-ce que les événements ne viennent pas démentir la légende ?
    — En effet, Sir ! Mais ils font ce qu’ils peuvent et je les trouve sympathiques. Ils nous ont bien aidés, et en prenant de gros risques…
    — Sans eux, nous serions en train de moisir en captivité, reconnut le Squadron-Leader, pensivement.
    Ils dirent ensuite en anglais des choses intraduisibles qui signifiaient à peu près :
    — Ces grenouilles sont charmants ! (« Grenouilles » c’est ainsi qu’on nous appelle outre-Manche.)
    — Le plus petit est plein de haricots (expression anglaise qui équivaut à : avoir du nerf).
    —  Grenouilles et haricots ! La bonne cuisine française ! s’esclaffa Reginald.
    Soudain son rire s’éteignit au fond de sa gorge :
    — Regardez ! Look !
    Les deux Britanniques s’arrêtèrent net.
    Ils se dissimulèrent dans un fourré pour mieux détailler ce qui avait provoqué le cri d’admiration du Squadron-Leader :
    Devant une ferme bourguignonne pittoresque et cossue stationnait un camion à gazogène. Un fermier, aidé d’une sœur de charité portant l’uniforme des Religieuses Hospitalières des Hospices de Beaune, faisait des aller et retour, du bâtiment au véhicule, où ils chargeaient d’énormes citrouilles.
    Reginald consulta son chronomètre qui ne l’avait pas quitté. Il observait minutieusement ces mouvements. Au bout d’un moment il chuchota :
    — Vingt-cinq secondes.
    Il avait calculé que de l’entrée à la sortie des personnages, le camion à gazogène restait seul pendant vingt secondes.
    — Attention ! souffla-t-il à Mac Intosh.
    Le jeune aviateur se prépara à bondir.
    Le fermier et la bonne sœur disparurent dans le bâtiment pour y prendre d’autres citrouilles.
    —  Go ! commanda Reginald.
    Les deux hommes coururent, comme pour une charge sous le feu de l’ennemi. En dix secondes, ils parvinrent au camion. En quinze, ils le firent démarrer. En vingt, ils avaient disparu avec le précieux véhicule.
    Sur la route, Stanislas appuyé de tout son poids sur le bienveillant Augustin n’avait pas tardé à se réconcilier avec lui sur le dos des Anglais. Il avait besoin de pester contre quelqu’un.
    Il tendait le poing vers le tournant où les Britanniques avaient disparu.
    — Salauds ! Roastbeefs hypocrites ! aboyait-il à pleins poumons. Bouffeurs de plum-pudding !
    Augustin grogna avec bienveillance :
    — Calmez-vous… Ça ne vaut rien pour la santé de se mettre les nerfs en boule. Et surtout, c’est inutile.
    Et confiant au maestro la petite philosophie que la vie lui avait apprise :
    — L’homme, c’est égoïste et compagnie… Mais tout se paye tôt ou tard… On croit que certains salauds ne payent pas… C’est parce qu’on ne regarde pas assez longtemps…

XXIII
    Comme si la Providence avait entendu les paroles d’Augustin, une grêle de coups vengeurs s’abattit sur la tête de Reginald projeté violemment sur le volant du camion à gazogène. Mac Intosh était aussi dans la trajectoire, et ça tombait dru.
    Ils étaient suffoqués, surpris, ne sachant d’où venait cette avalanche.
    S’étant retournés, ils aperçurent dans le camion, au milieu des citrouilles, une autre Bonne Sœur dont ils

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