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La grande vadrouille

La grande vadrouille

Titel: La grande vadrouille
Autoren: Georges TABET , André TABET
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mais M me  Germaine alla au-devant de ses critiques :
    — Il ne me reste que cette chambre et une autre réquisitionnée par téléphone. Il n’y a qu’un lit, mais il est bon : je suis à cheval sur la literie.
    Le mot faisant image alluma une brève lueur égrillarde dans l’œil du chef d’orchestre. Il imagina aussitôt la rondelette M me  Germaine accroupie dans une posture voluptueuse.
    Mais ce n’était là qu’une phrase professionnelle que la gérante prononçait par habitude en défaisant la couverture.
    Juliette remit à ses amis deux pyjamas, une paire de serviettes-éponge et une savonnette.
    — Ne me l’usez pas trop, avertit M me  Germaine. C’est de l’avant-guerre…
    Augustin ému d’être en possession d’une telle rareté laissa tomber le morceau de savon parfumé.
    — Ne faites pas de bruit, conseilla la tenancière. Il ne faudrait pas que ces messieurs se doutent de vos véritables identités. Bien que ne faisant pas partie de la police allemande, ces soldats n’ont rien de particulièrement rassurant.
    — Surtout, précisa Juliette, qu’ils ont été alertés en raison de l’arrestation de Peter. La région est passée au peigne fin.
    — Pauvre Peter ? s’attendrit Augustin.
    — Quoi ? Pauvre Peter ? gronda Stanislas en ôtant ses escarpins blessants. Qu’est-ce qu’il risque ? Il sera prisonnier de guerre… comme beaucoup de ses semblables, convention de Genève, régime de petits soins réciproques. Tandis que nous, terroristes, on serait fusillé sans jugement !
    M me  Germaine tenta de lui faire reprendre confiance :
    — Tant que vous serez ici, vous serez en sécurité. C’est pourquoi je vous conseille d’y rester cette nuit et de ne pas retourner aux hospices de Beaune. Pas même demain matin.
    Augustin et Stanislas jetaient vers elle un regard surpris.
    — Non… Á la première heure je téléphonerai à votre Bonne Sœur. Elle comprendra. Elle fera passer les deux Anglais en zone libre par sa filière et vous, je vous ferai franchir la ligne de démarcation par un moyen dont je me suis déjà servie plusieurs fois. Il en vaut un autre.
    Et d’un ton mystérieux elle articula :
    — Oua ! Oua !…
    Comme obéissant à ces mots magiques, l’électricité s’éteignit brusquement. Dans le noir, Augustin se mit à trembler :
    — Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-il dans un souffle.
    Juliette avait allumé une bougie sur la table de nuit.
    — C’est la coupure, dit-elle. Le couvre-feu.
    Au même moment des coups violents retentirent. Chacun, pétrifié par la peur, retenait sa respiration.
    — Catastrophe ! se lamenta Stanislas.
    — On est foutu, annonça Augustin.
    — Ne bougez pas ! Pas un mot, pas un geste, ordonna M me  Germaine.
    — Elle ouvrit la fenêtre et se pencha au-dehors.
    — Oui ? dit-elle soudain avenante et professionnelle. Vous désirez ?
    Devant la porte se tenaient le major Achbach et le lieutenant Stürmer.
    — Chambres réquisitionnées depuis Paris, cria ce dernier en portant la voix jusqu’au premier étage.
    — J’arrive…, lança en sens inverse M me  Germaine.
    Elle referma la fenêtre et tira les rideaux.
    — C’est pour nous ? demanda Augustin affolé.
    — Non, c’est pour moi, précisa la tenancière. Une réquisition. On m’a téléphoné cet après-midi…
    Comme elle voyait les deux fugitifs sur le point de s’évanouir elle leur dit gentiment :
    — Calmez-vous ! Dormez ! Prenez des forces. Je vous réveillerai à 4 heures demain matin… Je vais m’occuper des Allemands…
    Elle sortit, les laissant encore tout secoués par l’alerte.
    Elle s’en fut ouvrir la porte de l’hôtel à Achbach et son aide de camp.
    — Messieurs… Je vous attendais pour me coucher…, fit-elle arborant son sourire commercial.
    Elle les fit pénétrer à l’intérieur en recommandant, par l’énoncé d’une formule hôtelière :
    — Ne faites pas trop de bruit… Respectez le sommeil de vos collègues si vous désirez qu’ils respectent le vôtre…
    — Des collègues ici ? s’enquit le major…
    — Mais oui, fit coquettement M me  Germaine, et non des moindres. Le général Hemmen von Gneisau.
    Á ce nom, le major Achbach et le lieutenant Stürmer se hissèrent sur la pointe de leurs bottes et gravirent l’escalier respectueusement, inaugurant un pas de parade nocturne d’un nouveau style.
    Dans le couloir obscur, Augustin murmurait à
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